Sembrancher : étape n° 25 – Ma via Francigena

De Bex à Sembrancher
De Bex à Sembrancher

Jeudi 26 septembre.
Vingt-sixième jour : Rome est à 1077 kilomètres.

8 h 30, je sors de la communauté « La Pelouse », le temps est couvert, mais il y a quand même du ciel bleu ce qui donne de l’espoir au moins pour aujourd’hui, car on m’a averti que dimanche et lundi il fera mauvais, précisément les jours où je serai là-haut et pour la grande descente vers l’Italie. Mais ce ne sont que des prévisions, cela va peut-être se décaler dans un sens ou dans l’autre. Dans tous les cas « En route ! ».

Le défilé
Le défilé

Au loin le défilé qui mène au Col est marqué par une succession de flancs de montagnes qui se découpent en plans dégradés du grisé au bleuté. Sur ma gauche, au loin on distingue le Cervin qui domine la vallée. Après le Mont-Blanc aperçu il y a quelques jours, décidément quel parcours !

Ce matin je me suis aperçu que j’avais oublié ma serviette de toilette à l’Auberge de Jeunesse de Montreux, du coup après avoir hésité, j’en ai subtilisé une. J’espère que les sœurs, à l’instar de Monseigneur Myriel, me pardonneront cet écart.

Au loin le Cervin
Au loin le Cervin

Comme tous les matins j’ai du mal à débuter, j’ai les jambes fatiguées, mais ça va passer. Cela me rappelle quand je m’entraînais pour le marathon, d’une certaine façon il y avait toujours un petit fond de fatigue dont je ne prenais conscience que quand je m’arrêtais plusieurs jours. On dit que le repos fait partie de l’entraînement, mais pour le moment ce n’est pas au programme.

Hier je croyais m’être bien hydraté en route, mais sans doute insuffisamment, car malgré tout ce que j’ai bu en arrivant et au repas, je n’ai pratiquement rien restitué ni pendant la nuit ni ce matin. Pourtant la sœur de l’accueil, qui décidément était fine observatrice, m’avait indiqué que si j’avais soif je pouvais aller à la cafétéria me servir un jus de fruit, ce dont j’avais profité.

Lavey-Morcles, l'église
Lavey-Morcles, l’église

Je ne sais pas encore où je vais dormir ce soir. J’ai essayé les Chanoines à Martigny, mais il fallait rappeler plus tard, ils étaient tous à la messe et le vieux curé qui m’a répondu n’était pas très au courant des possibilités, j’ai essayé une chambre d’hôtes, c’était plein. Tout à l’heure je vais tenter ma chance au camping qui n’ouvre qu’à neuf heures.

Dans le coin ça pétarade, peut-être encore un entraînement au tir.

Un panneau de tourisme pédestre indique « Martigny 4 h 30 » alors que mon guide m’en annonce 6 h 30. Je tente le coup. Deux heures de gagnées c’est toujours bon à prendre même si je ne traverse pas tous les jolis villages décrits par le guide. Du coup je vais attendre cet après-midi pour réserver en fonction de mon avancée, peut-être même pourrai-je aller au-delà de Martigny et ainsi prendre de l’avance sur le mauvais temps annoncé. Cette idée me galvanise.

Usine hydroélectrique de Lavey
Usine hydroélectrique de Lavey

Ce parcours, contrairement au parcours « officiel », passe par Lavey et remonte le Rhône sur sa rive droite. On traverse Lavey-Village puis Lavey-les-Bains en contournant Saint-Maurice et en longeant la centrale hydroélectrique de Lavey. En route je croise des enfants qui vont à l’école avec une sorte de collier fluorescent, sans doute un équipement pour le Pedibus.

Hier soir j’ai lavé mon linge, mais ce matin à part la chemisette le reste était loin d’être sec. J’avais misé sur du chauffage, mais il n’y en avait pas et il faut bien avouer que ce n’était pas justifié. J’étendrai tout cela ce soir.

Chamois goguenard
Chamois goguenard

10 h 25, ça y est, j’ai retrouvé le plancher des vaches ! Après Lavey-les-Bains la route goudronnée montait en lacets assez haut et assez raide puis se transformait en chemin pour redescendre, du moins c’est que je pensais, mais en fait il s’est avéré que ce chemin suivait la falaise qui domine le Rhône avec des passages plus ou moins scabreux où il fallait parfois s’accrocher à des chaînes fixées à la paroi dont certaines s’étant écroulées m’ont obligé à courageusement passer l’obstacle sur les fesses sous l’œil goguenard d’un chamois. Je ne suis pas sûr que ce « raccourci » était une bonne opération. Décidément, « à l’insu de mon plein gré », je vais devenir un spécialiste des gorges. Enfin voilà, je ne sais pas trop où je suis, mais c’est plat et ça c’est formidable.

Éolienne de Collonges
Éolienne de Collonges

11h30 je suis à Dorénaz. Après Collonges j’ai croisé une belle éolienne au milieu de champs de pommiers en pleine récolte avec toujours en toile de fond les plans successifs de la montagne.

Un peu avant midi, à la sortie de Dorénaz, juste après la passerelle qui enjambe le Rhône, je viens de réserver ma nuitée à Sembrancher. En principe il fallait réserver 48 heures à l’avance, j’ai tenté ma chance et c’est d’accord, j’ai le code pour entrer. Les gens y ont l’air sympathique. C’est au-delà de Martigny, à La Garde, cela va m’avancer. Comme quoi les affaires parfois s’emmanchent bien. Hier pas moyen d’avoir un hébergement à Martigny, ce matin suite à cette indication de « 4h30 » je fonce (enfin c’est un bien grand mot compte-tenu du profil de cet itinéraire) et du coup peut-être pourrai-je sauter une journée selon l’état dans lequel je vais arriver.

Le récit de mon Chemin de Compostelle au départ du Puy-en-Velay ainsi que celui par le Camino Norte sont désormais disponibles en livres vous pouvez les découvrir ICI.

Arrivée à Martigny
Arrivée à Martigny

Donc en route pour Martigny. Ce nouveau petit challenge me donne la pêche. Comme quoi il faut quand même se stimuler un peu sinon on ronronne sur le Chemin à suivre des étapes pratiquement imposées par le guide. Rien de tel qu’un peu d’adrénaline. Bordé d’un côté par l’autoroute et un petit canal et de l’autre par le Rhône, le chemin est agréable, j’avance accompagné par le bruit des petits oiseaux et des gros camions. Tout au mental.

Arrivé un peu après 13 heures à Martigny je m’offre un sandwich et un jus de pomme. Mon guide propose une variante à l’itinéraire de Sigeric, je le cite « …vu les problèmes existant entre Martigny et Bovernier… et la route 70 étant réservée aux alpinistes, un itinéraire bucolique est suggéré … avec fort dénivelé initial (préparation au col du GSB, récompensé par panorama exceptionnel…)… ». Pour ce qui est de l’alpinisme la petite expérience de ce matin m’a largement comblé et je vais me laisser séduire par cette suggestion… bucolique.

Vue de Chemin-Dessus
Vue de Chemin-Dessus

Je quitte Martigny un peu avant 14 heures et me lance dans la montée vers Chemin-Dessus au nom évocateur de ce qui m’attend.

Chemin-Dessus est un très joli village qui s’étale sur toute la pente, situé en moyenne à un peu plus de 1100 mètres, soit une grimpette d’environ 600 mètres… qu’il faudra redescendre. Le chemin était très raide, mais sans « acrobatie ». La vue sur les deux côtés de la vallée est splendide. Le sentier continue ensuite à monter jusqu’à une zone herbeuse à environ 1300 mètres d’où on redescend vers Vens que j’atteins à 17 h 45. On y domine Sembrancher que l’on rejoint par une descente abrupte.

Chemin-Dessus
Chemin-Dessus

18 h 30 j’arrive à Sembrancher, après ce grand moment d’effort mais surtout de silence je me heurte au bruit de la ville où encore une fois tout se côtoie, la rivière, la Dranse maintenant, les voitures et le train.

En fait, si j’ai bien le code pour accéder à mon lit, je n’ai pas très bien compris où il se trouve. J’appelle mon hôte. Pour le moment il est retenu à Martigny, mais quand pour me situer je lui indique que je suis devant une pizzeria, il me propose d’y manger et il viendra me chercher dès que j’aurai terminé. Encore une excellente suggestion. Je m’offre une entrecôte, il y avait longtemps que je n’avais pas mangé une bonne viande, une salade des pâtes au beurre le tout arrosé d’un demi et d’une grande carafe d’eau. Une fois rassasié je rappelle Pascal, mon hôte, à croire qu’il n’attendait que cela, car il apparaît presque instantanément. Quelle classe !

Vens, un village en pente
Vens, un village en pente

Je suis hébergé dans un grand gîte de groupe, « Les trois collines » un peu à l’écart de Sembrancher, où je suis seul, même mes hôtes n’y passeront pas la nuit. En attendant ils m’ont fait faire le tour du propriétaire. C’est un couple qui a décidé de se reconvertir. Il y a deux ans ils ont acheté cette grande baraque qu’ils ont retapée pour créer ce gîte prévu pour trente-sept personnes. Ils se sont donné cinq ans et pour le moment ça marche bien. En fait j’ai encore une fois eu de la chance, demain ils auraient affiché complet, un groupe va prendre possession des lieux. Mon hôtesse a envie de faire le Chemin de Compostelle et elle va en faire un petit bout l’année prochaine en Espagne avec sa sœur. Un couple vraiment sympathique et accueillant.

Sembrancher
Sembrancher

Presque 21 heures, ça y est j’ai une place à Bourg-Saint-Pierre dans l’auberge « Au Petit-Vélan ». ll me restera à réserver un lit chez les Chanoines au Col, à cette heure ce n’est pas possible, je verrai demain.

Une journée bien remplie pour la tête et les jambes qui, après une bonne nuit de repos, seront à nouveau d’attaque pour affronter les 900 mètres de dénivelé qui les attendent d’autant plus que le moral est bon : si le bonhomme et la météo sont stables je devrais arriver au Col après-demain par beau temps.

722 kilomètres parcourus depuis chez moi dont 37 aujourd’hui.

Ci-dessous une galerie de photos, d’éventuelles précisions sur des curiosités locales, la navigation vers les étapes suivantes ou précédentes et la possibilité de déposer un commentaire.