Bourg-Saint-Pierre : étape n° 26 – Ma via Francigena

De Sembrancher à Bourg-Saint-Pierre
De Sembrancher à Bourg-Saint-Pierre

Vendredi 27 septembre.
Vingt-septième jour : Rome est à 1040 kilomètres.

J’ai quitté le gîte « Des trois collines » un peu avant 8 heures. La nuit a été calme, par contre ce matin un groupe d’ouvriers aux accents portugais et aux voitures suréquipées en portières est parti vers 6 heures d’un bâtiment tout proche, du coup je me suis levé plus tôt que prévu, mais comme d’habitude j’ai eu du mal à m’arracher.

Donc en route pour Bourg-Saint-Pierre. Il fait un peu frais, mais le ciel sur lequel se découpent les crêtes des montagnes est plus dégagé qu’hier, on distingue même quelques névés. Ce matin mes mollets étaient très contractés, mais après quelques étirements tout est rentré dans l’ordre. Je devrais en faire systématiquement.

Nains de jardin
Nains de jardin

À la sortie du village des maisons agrémentées de nains de jardins, ornement très populaire dans la région.

En chemin je téléphone à l’Hospice du Col du Grand-Saint-Bernard pour savoir si je pourrais y être accueilli demain soir : trop tard, c’est complet, des groupes ont déjà tout réservé. Éternel problème. Je comprends que quand on est nombreux il soit impossible de partir le nez au vent, tout doit être planifié, réservé. Mais les individuels se retrouvent le bec dans l’eau, d’autant plus qu’en ce qui me concerne il y a encore deux jours je ne savais pas quand j’arriverais au Col. Petite déception, j’aurais aimé être hébergé en ce lieu mythique par les Chanoines au milieu d’autres pèlerins, échanger nos impressions, pouvoir m’imaginer sauvé par un chien Saint-Bernard au milieu d’une tempête de neige.

Vaches compatissantes
Vaches compatissantes

Bon, je vais m’en remettre, ce n’est pas si grave, je ne serai pas à la rue, c’est le plus important, j’ai pu réserver une place à l’hôtel qui fait face à l’Hospice, bien sûr ce sera pas dans l’« ambiance pèlerinage » et bien sûr ce ne sera pas le même tarif.

Encore une fois, je n’ai pas dû prendre le bon embranchement, pourtant cela aurait dû être facile le gîte était situé sur la via Francigena et d’après mon guide le chemin était censé me conduire « sans dénivelés » jusqu’à Orsières, or cela n’arrête pas de monter et de monter très raide. Des panneaux m’indiquent que je marche en direction du Catogne qui, je l’apprendrai plus tard, culmine à 2597 mètres ! Je redescends, penaud, sous l’œil compatissant des vaches. Seule satisfaction je ne peine pas, enfin disons pas trop.

[Clarines de vaches compatissantes]

En bas Orsières
En bas Orsières

Arrivé à Soulalex, joli village, je constate que je suis encore trop haut, le tracé sur le guide semble plus bas. Je redescends. C’est sans doute un bon exercice même si ce n’est pas vraiment le jour à faire des digressions, le dénivelé prévu est déjà suffisamment copieux.

9 h 45 me voici à Orsières, enfin ! Je fais un petit tour de ville. L’église Saint-Nicolas avec une belle mosaïque au-dessus du porche d’entrée consacre une pièce émouvante au missionnaire Maurice Tornay tué en 1949 au Tibet. Un petit pont couvert conduit au cimetière. Quand on prépare sa via Francigena on s’imagine tous ces villages comme ils auraient pu être au Moyen Âge au moment des grands pèlerinages, mais même s’il y a des parties anciennes en fait ce sont des villes modernes.

Quelques marches
Quelques marches

Il y a une pensée, ou plutôt une sensation, qui me saute au visage et j’ai du mal à l’exprimer : toutes ces vies que je croise, tous ces gens qui ont à la fois des vies si différentes, mais avec des aspirations similaires. C’est une évidence, mais aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi, j’y suis plus sensible que d’habitude.

Après Orsières le chemin monte en lacets sur la rive gauche de la Dranse pour éviter la route goudronnée puis on redescend dans la vallée. Un peu plus tard pour contourner une sorte de petit barrage sur la rivière on emprunte un petit raidillon avec des marches. Je me demande un moment dans quoi je me suis encore embarqué, mais apparemment cette fois ce n’est pas une erreur.

Le récit de mon Chemin de Compostelle au départ du Puy-en-Velay ainsi que celui par le Camino Norte sont désormais disponibles en livres vous pouvez les découvrir ICI.

Chapelle à la sortie de Liddes
Chapelle à la sortie de Liddes

13 h 30, Liddes. Je fais un détour par le centre du village à la recherche d’un bistrot où je m’offre une halte sandwich et un Coca Cola bien frais pour compenser les ardeurs du soleil. Peut-être aurais-je dû partir plus tôt, à la fraîche. Arriver jusqu’ici m’a paru par moment éprouvant, mais en fait je vais plus vite que ce qui est indiqué sur les panneaux de randonnée, c’est donc sans doute juste que mes jambes font bien leur boulot mais qu’elles commencent à avoir leur dose.

Highland
Highland

À la sortie de Liddes un couple prend le soleil sur un banc à côté d’une jolie chapelle, je leur tiendrais bien compagnie, mais en avant pour un dernier effort ! Le chemin monte ensuite à peu près régulièrement. En route des vaches Highland me regardent passer avec nonchalance. Elles ressemblent à de grosses peluches qu’on aimerait caresser, mais leurs cornes sont dissuasives. Pour arriver à Bourg-Saint-Pierre le chemin grimpe un court instant en compagnie d’un télésiège.

Dortoir au Petit Véran
Dortoir au Petit Véran

15 h 30, me voici à Bourg-Saint-Pierre où l’hôtel du « Petit Véran » au cœur du village m’attend : mon lit est dans un dortoir où pour le moment je suis seul. Content d’être arrivé, pas épuisé, je ressors faire un tour du bourg après les ablutions d’usage. J’y découvre d’anciens greniers en bois sur leur support en pierre pour décourager les rongeurs, des bornes incendies repeintes en forme de lutin, l’église intéressante avec une borne milliaire romaine qui la jouxte et bien sûr des évocations du passage de Bonaparte en 1800.

Borne milliaire à Bourg-Saint-Pierre
Borne milliaire à Bourg-Saint-Pierre

Il fait beau et j’en profite pour m’offrir un demi que j’estime bien mérité et qui traîtreusement m’assomme. Je regagne ma chambre où je m’écroule.

Le soir repas à 19 heures, salade en entrée, puis quelque chose dont j’ai oublié le nom « façon chasseur », sans doute du gibier, sanglier ? cerf ? Cela avait un goût assez fort, mais c’était très bon. Par prudence je suis resté à l’eau.

Grenier surélevé
Grenier surélevé

La salle à manger et le bar étant sous le dortoir, où d’ailleurs je suis toujours seul, j’ai patiemment attendu en lisant que le calme se fasse pour éteindre vers 22 heures.

Demain ce sera le Col du Grand-Saint-Bernard, environ 1000 mètres de dénivelé sur une douzaine de kilomètres. Mes pensées sont sûrement plus paisibles que celle de Bonaparte il y a quelque deux cents ans. Je pense à tous ces grognards qui ont attaqué cette montée avec tout leur barda et les canons à tirer. Je pense aussi à tous ces pèlerins d’autrefois qui l’ont gravie avec les moyens de l’époque, parfois par des temps épouvantables. Pour moi la partie sera à l’évidence plus facile, rien d’insurmontable, l’aboutissement de la première partie de ce périple. J’espère seulement que le beau temps va persister pour que je puisse en profiter pleinement. J’ai confiance.

742 kilomètres parcourus depuis chez moi dont 20 aujourd’hui.

Ci-dessous une galerie de photos, d’éventuelles précisions sur des curiosités locales, la navigation vers les étapes suivantes ou précédentes et la possibilité de déposer un commentaire.

Laisser un commentaire