Gex : étape n° 24 – Ma via Francigena

De Montreux à Bex
De Montreux à Bex

Mercredi 25 septembre.
Vingt-cinquième jour : Rome est à 1103 kilomètres.

J’ai quitté l’Auberge de Jeunesse de Territet à 8 h 30. Il fait très beau, encore plus beau qu’hier, avec juste un petit filet de brume au-dessus du Lac.

Ce matin je dormais comme un loir et avec mes bouchons d’oreille mis pour ne pas être dérangé par le passage des trains et les ronfleurs éventuels, j’ai été le dernier à entendre le vibreur de mon téléphone. Désolé ! Mais apparemment personne ne m’en a tenu rigueur. Du coup tout le monde s’est levé en même temps, pour une fois nos plannings concordaient et cela m’a permis de finir mon sac à dos sans avoir à tâtonner dans l’obscurité. Est-ce l’âge ? J’ai besoin de grandes périodes de sommeil, je ne récupère plus aussi vite.

Le château de Chillon

Hier soir, pour m’éviter de ressortir, j’avais opté pour le repas proposé par l’Auberge. J’y ai fait la connaissance d’un couple de Français, Chantal et Henri. Eux aussi ont lu le livre de Jean-Christophe Ruffin, (dont je ne m’attendais pas à ce compagnonnage assidu), ils lui trouvent beaucoup d’humour et cela leur a donné envie de faire le Chemin de Compostelle. Comme quoi les ressentis divergent, une de mes hôtesses avait au contraire failli renoncer à ce périple après sa lecture. Pour qu’ils puissent avoir un autre point de vue je leur ai indiqué l’adresse de mon site Internet. Dans tous les cas ce n’est pas gagné pour eux, lui est à la retraite et elle travaille encore, de plus lui a de gros problèmes avec ses genoux. Une rencontre très sympathique, cela fait du bien de parler en bonne compagnie.

Île de Peilz au large de Villeneuve
Île de Peilz au large de Villeneuve

Je me serais bien couché tout de suite après le repas, à 20 h 30, mais c’est à ce moment que des jeunes ont débarqué dans la chambre. Ils se sont mis à manger, à consulter leur PC, à discuter, à sortir puis revenir… Bref à 22 h 30 j’ai demandé à ce qu’on éteigne la lumière, j’ai mis mes boules et j’ai sombré. Éternel problème des AJ, et encore ceux-là étaient plutôt conviviaux, nous avons échangé quelques salutations. Dans la soirée j’avais appris qu’un de mes petits-enfants était tombé d’un lit superposé lors d’une classe verte : fracture des deux os de l’avant-bras droit. Il est sonné, mais, soyons positifs cela aurait pu être pire, il est gaucher. Donc méfiance accrue pour les lits haut-perchés.

Île de Peilz au large de Villeneuve
Île de Peilz au large de Villeneuve

Pour le moment on est à l’ombre, alors que la rive opposée est en plein soleil. Beaucoup de gens font leur sport matinal. Je dépasse le Château de Chillon devant lequel des bus déchargent leur fournée de touristes. Bientôt je serai au bout du Lac.

Ce soir je dors chez les Sœurs à l’accueil pèlerin de l’Institut « La Pelouse » à Bex. J’ai choisi cet hébergement de préférence à celui de Saint-Maurice, cinq kilomètres plus loin, pensant que cela répartirait mieux la distance jusqu’au Col, mais en fait la sœur qui m’a répondu m’a appris qu’ils sont à trois quarts d’heure hors du chemin et qu’en plus ça monte beaucoup. Donc je ne sais vraiment pas si c’est une bonne opération.

En Chemin
En Chemin

9 h 45 je quitte Villeneuve la ville au bout du Lac. Donc maintenant en route, droit vers le Col du Grand-Saint-Bernard, qui n’est d’ailleurs pas encore signalé sur les panneaux routiers. En ville j’ai fait un petit arrêt logistique. J’ai repris de l’argent et fait des provisions, un saucisson, une barre de céréales, un demi-litre de jus de pomme en espérant que cela m’incitera à boire plus souvent. Hier soir j’ai bu deux carafes d’eau puis je me suis payé un demi-litre de jus de pomme, mais cette nuit je n’ai pas eu besoin de me lever pour évacuer. Ce matin j’ai bu à peu près autant. Je suis donc bien en déficit. Pourtant j’ai vérifié, ma gourde et ma poche à eau étaient pratiquement vides à l’arrivée. Manifestement ce n’était pas suffisant, il faisait chaud et j’avais beaucoup transpiré dans les montées parmi les vignobles et aujourd’hui cela s’annonce identique peut-être même pire. Depuis le temps je devrais le savoir, pour m’économiser il faut que je marche « cool » et non pas comme si j’étais dans l’urgence, sans doute ma nature qui veut ça.

En Chemin
En Chemin

Ce matin j’avais chapardé un peu de jambon au buffet du petit déjeuner, pensant m’en faire un sandwich pour midi. Je l’avais enveloppé dans une serviette en papier. En passant aux toilettes j’aperçois des pochettes en plastiques destinées aux serviettes hygiéniques usagées. Je me dis « tiens, je vais en utiliser une pour y mettre mon larcin », lors du transfert d’un contenant à l’autre… tout tombe dans la cuvette : bien mal acquit… Au sujet des toilettes, dans la campagne, entre deux rangs de vignes par exemple, il n’y a pas trop de problèmes pour répondre à un appel impératif de la nature, mais en ville c’est souvent une autre histoire, sauf en Suisse où les toilettes publiques sont fléchées, gratuites et propres !

Après plusieurs années d’utilisation je viens de comprendre comment régler la ceinture ventrale de mon sac à dos. En fait il y a des petits passants qui ne sont pas là pour la déco, mais pour servir de frein, ce qui explique que je n’arrivais pas à la serrer convenablement, elle se relâchait toujours trop rapidement, m’obligeant à un nouveau serrage. On apprend constamment, j’espère que cette découverte va rendre le poids du sac plus supportable, d’autant plus que mes dernières emplettes me rajoutent à peu près un kilo sur le dos.

Le récit de mon Chemin de Compostelle au départ du Puy-en-Velay ainsi que celui par le Camino Norte sont désormais disponibles en livres vous pouvez les découvrir ICI.

Stand de tir
Stand de tir

Après Villeneuve je me retrouve sur la route goudronnée, le chemin qui devait l’éviter étant en travaux. Heureusement il n’y passe pas grand monde et en Suisse quand il n’y a pas de trottoir il y a toujours une bande délimitée sur la chaussée, une sorte de « piste-piéton », où on se sent un peu plus en sécurité. Pour le moment on longe une voie de chemin de fer, configuration classique d’une vallée encaissée où tous les moyens de transport doivent cohabiter, la route, le train, et même une rivière, l’Eau Froide, très canalisée. La zone est industrielle, notamment des usines de traitement des déchets, rien de bucolique même si des jardins ouvriers y apportent une touche de verdure. Un peu plus loin un stand de tir : des policiers s’entraînent au tir au pistolet sur des cibles avec une silhouette humaine, comme au cinéma. Ils me tournent le dos, donc en principe pas de danger, mais je ne m’attarde pas.

Versvey - Accueil pèlerin ?
Versvey – Accueil pèlerin ?

10 h 40 je m’arrête à Roche entre deux chantiers, l’endroit n’est pas idéal, il y a de la poussière, des camions, mais pour ne pas forcer je me suis fixé un arrêt toutes les deux heures. Je vais prendre le temps de boire. En route je ne pense pas toujours à téter la pipette de ma poche à eau. Et puis je sens que ce kilo supplémentaire pèse sur mes jambes, je vais puiser dans les stocks, ça va m’alléger.

Un peu plus de midi et demi. Depuis Roche on continue à suivre la voie de chemin de fer jusqu’au bas d’Yvorne où on retrouve la vigne. À Versvey, au milieu d’encombrants, deux magnifiques fauteuils attendaient le pèlerin. Je n’ai pas cédé à la tentation.

En route un groupe de cyclistes femmes me dépasse, l’une d’elles portant un maillot marqué « Le Ventoux », sans doute un trophée, s’arrête et me demande si je « fais la Francigena ». On discute un peu, puis elle repart rejoindre ses camarades qui ont pris de l’avance.

Montée vers Yvorne
Montée vers Yvorne

Pour arriver à Yvorne ça grimpe. Un homme m’y encourage d’un « Bonjour le pèlerin ». Depuis le haut d’Yvorne on peut admirer le château d’Aigle vers lequel on redescend. Un détour « touristique » qui m’a permis de me tester, je suis plus en forme qu’hier malgré ces casse-pattes. En fait il faut éviter le stress, se dire « si c’est comme ça jusque là-bas, sous-entendu jusqu’au Col, je n’y arriverai jamais ». Il faut le faire à la vitesse qu’on peut au moment présent. Bien sûr depuis le temps je le sais, mais il faut sans cesse me le remettre en tête. Il fait très beau.

Aigle - Le Château
Aigle – Le Château

14 h 30 je suis à Ollon, la descente était presque aussi raide que la montée. Depuis là-haut on avait une vue splendide sur toute la vallée et le défilé que je vais emprunter.

16 h 07 je suis la « Route 70 » qui elle-même suit un torrent canalisé. Une intuition : regardons le guide. Aïe ! Je ne l’ai pas pris dans le bon sens, il faut rebrousser chemin. Dommage c’était agréable.

16 h 50 me voici à Bex, ma fantaisie le long du ruisseau m’a fait perdre un quart d’heure. Ici encore une montée suivie d’une descente encore pire, mais sans doute qu’on gagne du temps et de plus on n’est pas sur la route. Il me semble que je gère mieux toutes ces déclivités.

Arrivée à Bex
Arrivée à Bex

17 h 30, j’atteins l’Institution « La Pelouse » des Sœurs de Saint-Maurice où je suis reçu avec beaucoup de gentillesse même si j’ai légèrement dépassé l’heure à partir de laquelle en principe elles n’accueillent plus. Après les formalités d’usage la sœur me propose les vêpres, les laudes, mais elle voit à mon air que… et conclu par un « il vaut mieux que vous vous reposiez ».

J‘ai une chambre individuelle, avec toutes les commodités habituelles, royal.

Elles sont une quarantaine de religieuses dans l’établissement. Si j’ai bien compris c’est une ancienne école qu’elles ont essayé de transformer en hôtel, mais cela ne s’est pas avéré rentable, alors désormais elles accueillent des gens de leurs choix, selon leurs propres critères, dont des pèlerins. En ce moment il y a une dizaine de personnes d’un certain âge qui y sont hébergées dans le cadre d’un programme de l’Armée du Salut à l’attention des personnes qui n’ont pas la possibilité de partir en vacances.

Institution La Pelouse
Institution La Pelouse

Le repas est communautaire, dans un grand réfectoire où j’ai mangé à la table d’hôtes. Le repas était plus que frugal, on m’a bien proposé d’en reprendre, mais je n’ai pas osé, donc je n’ai à m’en prendre qu’à moi-même.

J’étais en compagnie d’une sœur franciscaine très réservée, et une autre sœur, celle que j’avais eu au téléphone lors de ma réservation, beaucoup plus volubile. Elle a déjà fait le Chemin de Compostelle par tronçons pour accompagner des groupes. Du coup il y a des tronçons qu’elle n’a pas faits et d’autres qu’elle a faits trois fois. Un jour, à la fin d’un de ces accompagnements, elle a pu prendre une semaine et s’est lancée, seule (enfin !). Elle faisait des étapes entre trente et cinquante kilomètres  ! Et elle n’était pas trop fatiguée. Je dois être le seul à peiner.

Je vais mettre en pratique le conseil de la sœur qui m’a accueilli, me reposer, surtout que demain c’est l’inconnu, pas moyen de réserver à Martigny, tout est plein. L’étape risque d’être longue, mais je ne m’inquiète pas, à voir les performances de certaines sœurs l’Institution dégage des ondes qui vont m’être bénéfiques.

685 kilomètres parcourus depuis chez moi dont 26 aujourd’hui.

Ci-dessous une galerie de photos, d’éventuelles précisions sur des curiosités locales, la navigation vers les étapes suivantes ou précédentes et la possibilité de déposer un commentaire.

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