De Espalion à Golinhac – Chemin de Compostelle

Dimanche 31 août,
6e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1393 kilomètres

Golinhac
De Espalion à Golinhac
En allant à Golinhac
Espalion

Il est 8 heures,  je quitte Espalion en direction de Golinhac.

La nuit fut un peu courte : d’une part il faisait très chaud et d’autre part le Danois d’un gabarit certain  qui partageait ma chambre, émettait des ronflements que  mes protections auditives (pour ne pas citer une marque de boules bien connues…) ont eu du mal à étouffer.

Au petit-déjeuner nous étions deux Français et six étrangers.

Espalion est toujours aussi belle. Je suis les rives du fleuve, c’est très paisible. Il fait très beau bien qu’on nous ait annoncé des orages pour la journée.

A Saint-Pierre de Béssuejouls  je rejoins un groupe de Canadiens dont j’entends les échos de la Belle Province. Beau village en pierre rose avec une belle  église romane dont je ne peux pas visiter longuement l’intérieur pour cause d’office dominical.

Après Saint-Pierre on attaque un raidillon sévère. Heureusement le ciel s’est pas mal couvert et il fait frais. Une sueur chaude me dégouline sur le visage frais, ça fait bizarre. Dans la côte je  dépasse les Canadiens et un groupe de Finlandais qui portent fièrement, planté sur le sac à dos, un fanion : fond blanc avec une croix bleue. Ils discutaient ce matin au petit-déjeuner avec les Danois et j’en avais déduit qu’ils étaient tous du même pays. En fait je m’apercevrai que tous ces nordiques utilisent généralement l’allemand (que je ne parle pas) pour se comprendre.  Plus loin dans la montée je distingue un autre groupe, mais pas de quoi s’affoler, on ne se bouscule pas et ça fait toujours plaisir de croiser des gens.

Saint-Pierre-de-Bessuejouls

Sur le plateau je m’aperçois que j’ai perdu la petite pochette de feutrine jaune pour la  protection de  mon dictaphone. C’est Hélène, ma femme, qui me l’avait confectionnée de ses blanches mains. Je reviens un quart d’heure en arrière : rien. Petite contrariété, surtout par rapport au travail donné : il me faudra m’en passer.

Dans la plaine aux environs de l’église de Trédou, un silence incroyable, on entend quelques oiseaux, c’est tout. Dans les Yvelines aussi il y a des endroits de grand calme mais il y a toujours un petit bruit de fond. Ici il n’y a pas de bruit de fond. Il arrive bien sûr qu’une voiture passe ou qu’un engin agricole travaille, mais même ces sons s’inscrivent dans le silence, ils ne le masquent pas. C’est vraiment particulier. J’adore ça.

Heureusement qu’il fait frais parce qu’il n’y a aucun arbre, on est au milieu des champs. Au loin je revois le groupe que j’avais entraperçu avant de faire mon petit demi-tour. En fait si je marchais légèrement moins vite, il y a des chances que je ne verrais pratiquement jamais personne.

Il faut quitter le GR et traverser le pont sur le Lot pour entrer dans Estaing. Je fais un petit tour de ville, le château, l’église. C’est un beau village, classé « plus beau village de France » (dans cette région ils sont légion, ça en deviendrait presque banal). Le temps n’est pas au mieux, un peu plus de soleil l’aurait surement mis plus en valeur, mais c’est un coin qui vaut le détour. Certains y font carrément une étape pour prendre le temps d’une visite approfondie. C’est un choix de Chemin. Personnellement je n’évite pas les lieux touristiques (certains font ce choix) et je prends le temps de jeter un coup d’œil ou plus sur des sites majeurs, mais le tourisme n’est pas mon objectif. Je préfère me dire que je reviendrai avec ma femme : un moyen de lui faire partager un peu ce périple.

Trébou

Après Estaing ca n’arrête pas de monter. J’ai pris un bon rythme, ni trop rapide ni trop lent, juste le bon rythme. La sueur me dégouline sur la figure, avec le temps frais c’est très rafraichissant et ça prouve que je suis bien hydraté. On a dû monter quand même pas mal car à deux reprises, en déglutissant, j’ai les oreilles qui se sont débouchées. Cette sensation de bien-être, d’être bien dans son rythme, c’est une sensation de puissance au sens énergétique du terme, sensation qui est accrue par le fait de rattraper les autres. Peut-être l’euphorie des cimes !

En route, près d’une fontaine bienvenue, je dépasse une famille, un couple et un garçon d’une douzaine d’années avec un collier de coquilles Saint-Jacques. Il a l’air de renâcler et les parents font la tronche. J’espère que ce n’est pas le genre intégriste ou secte.

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14h20. Je repars après une pause casse-croute. J’ai pris mon temps. J’ai terminé la saucisse sèche achetée hier à Chelly. Elle n’était pas mauvaise d’ailleurs, sur l’emballage il est indiqué qu’elle contenait de la châtaigne ; c’était assez gouteux et tendre en dépit du terme « sèche ».

Estaing

Pour ce repas frugal j’étais royalement installé, un peu à l’écart, adossé à un arbre, dans un pré fraîchement fauché. Aujourd’hui, contrairement à hier, la recherche de l’emplacement idéal pour la pause était facile : temps couvert donc pas besoin d’ombre et beaucoup d’ouvertures sur les champs et les bosquets.

Le temps est de plus en plus à la pluie mais rien ne se passe. Un instant j’ai cru que ça y était. J’avais senti des gouttes sur mon bras : mais en fait c’était des chiures d’oiseau ! Y aurait-il un autochtone qui n’aime pas les pèlerins ?

A Golinhac je suis installé à la Halte Saint-Jacques. En fait c’est un grand complexe avec camping, chalets, gîte d’étapes. Le gîte étant plein, me voilà dans une espèce de petit bungalow, avec trois autres personnes, un couple et leur ami dont je partage la chambre. Ils sont de la région bordelaise. Hier ils ont fait étape à Estaing car ils voulaient y consacrer un peu de temps. Le couple compte aller jusqu’à Saint-Jacques et leur ami jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port. Ils font des petites étapes, à chacun son rythme.

Dans ce campus, je retrouve un couple d’Allemands. On logeait dans le même dortoir à Aubrac, dans la Tour des Anglais. J’apprendrai qu’ils sont de Regensburg (Ratisbonne en français) ; du moins c’est ce que j’ai compris car ils ne parlent pas français et seulement quelques mots d’anglais et moi je ne parle pas un mot d’allemand.  Signe particulier, ils ne portent pas l’alliance à la même main. Après une recherche sur Internet une explication possible serait que l’un est catholique et l’autre protestant. A confirmer. Aujourd’hui ils arrivent de Saint-Côme. Ils ont commencé le Chemin à Genève le 15 août et vont jusqu’à Moissac. Ils continueront le Chemin l’année prochaine. Par la suite nous nous rencontrerons souvent jusqu’à Moissac avec toujours le même plaisir partagé, même si la plupart du temps nos conversation se limitent à l’échange de sourires, de signes avec les mains et de quelques mots d’anglais. Qu’est ce qui fait qu’on sympathise comme ça, au feeling,  avec certains et pas avec d’autres ? Mystère.

Estaing

Tous ceux qui ont pris la demi-pension se retrouvent pour le repas dans une auberge face à l’église. On est tous rassemblés en grandes tablées. On doit être une cinquantaine. Repas simple mais suffisant. A ma droite les Finlandais, à ma gauche des Suisses et en face le couple d’Allemands. A part ces derniers, les autres m’ont complètement ignoré. Les Finlandais je peux comprendre, problème de langue, les Suisses, eux, parlent parfaitement le français, ils sont avec des Français mais tous jeunes. J’ai lancé quelques phrases mais ça n’a pas accroché : ils sont restés entre jeunes. Avec les Suisse-allemands je n’ai décidément pas de chance déjà  à Chanaleilles le contact ne s’était pas établi…

Au dessert l’Allemand a sorti sa crédentiale. Il y en avait des pages et des pages. Les deux jeunes femmes Suisses venaient elles aussi de Genève. A notre table il y avait également des Québécois.  Cette tour de Babel et tous ces marcheurs au long cours, c’était très impressionnant : restons modestes.

Demain je coucherai à l’Accueil Spirituel de l’abbaye de Sainte-Foy, à Conques. Ca va faire couleur locale.  J’espère qu’un mécréant n’y sera pas trop perdu. En tous cas, jusqu’à présent, je n’ai jamais ressenti de rejet dans ce genre d’établissement. Environ 20 bornes, on devrait y être rapidement. J’espère qu’il fera beau pour profiter de la ville (encore un « plus beau village de France » !). Aujourd’hui, finalement, ce n’est pas tombé, il y a eu juste quelques gouttes en arrivant à Golinhac mais pas de quoi sortir les capes.

185 kilomètres parcourus depuis le Puy-en-Velay

 

5 réflexions au sujet de “De Espalion à Golinhac – Chemin de Compostelle”

  1. tes étapes
    Que de belles photos et de paysages traversés grâce à toi, j’espère que tu pourras faire découvrir tous ces villages à Hélène. Moi je me régale des images comme de tes commentaires, avec les petites pointes d’humour…

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  2. port de l’alliance chez les Allemands
    Ayant vécu en allemagne près de 2 ans (43-45) je crois pouvoir répondre à vos questions. d’une façon générale ils la porte à la main droite, quelques uns à la main gauche. Il serait de tradition que les fiancés la portent à g. et à dr. une fois mariés. Ce n’est pas une question de religion. En rhénanie, catho à 80/100, elle est aussi portée à dr. Des Français, peu nb, la porte aussi à droite. ainsi mon ami Yves Michelet, fils de l’ancien ministre, la porte à dr. Par suite d’un accident de volley ball je l’ai aussi portée à dr. pendant 2 ans. Ce que vs dites des Suisses allemands ne m’étonnent pas. professionnellement j’ai eu qqs collègues suisses germanoph. les contacts ont été tj très corrects mais sans plus.

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