De Aubrac à Espalion – Chemin de Compostelle

Samedi 30 août,
5e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1424 kilomètres

Espalion
De Aubrac à Espalion
Au départ d`Aubrac
Sur le pont des pèlerins à Saint Chely

Je quitte Aubrac, il est 8h30, on est samedi. Il fait un temps magnifique, le soleil commence déjà à être chaud mais à l’ombre il fait très frais.

Ce matin levé  à 7h et quart. Beaucoup de temps perdu en aller-retour, sanitaires en bas, chambre trois étages plus haut, dans les grands escaliers de la Tour des Anglais, mais enfin ça y est, c’est parti.

La route n’arrête pas de descendre par un chemin empierré, facile et au frais. En sortant de la forêt on retrouve un paysage désertique ; ce n’est pas le mot exact puisqu’il y a des vaches mais plus aucun arbre, plus rien. L’Aubrac quoi. Au loin je vois des marcheurs, les premiers de la journée.

Puis rapidement le paysage devient beaucoup plus verdoyant avec de vraies prairies, des arbres. On a changé de région, ça sent « le sud ».

Le clocher vrillé à Saint-Côme-d`Olt

Depuis Nasbinals il y a beaucoup moins de marcheurs. A quelques pèlerins s’ajoutent des randonneurs qui font le tour de l’Aubrac, soit dans un sens soit dans l’autre. Peut-être ai-je dépassé le flot de ceux qui se sont embarqués dans cette aventure au cours du dernier week-end.

Peu après Belvezet je rencontre deux randonneurs qui « remontent » et me demandent si le « neck » (piton) volcanique surmonté des ruines d’un château est bien dans cette direction. En fait je l’ai vu mais je ne savais pas que c’était incontournable et je n’ai pas pris de photo. Je vérifie, c’était bien mentionné par mon guide : la prochaine fois je préparerai mieux ma journée …

A Saint-Chély-d’Aubrac, le pont sur la Borade dit des « Pèlerins », avec son crucifix du XVIe siècle, est inscrit par l’Unesco sur la liste du Patrimoine Mondial. Il est encore sur le Chemin et  toujours emprunté par les pèlerins d’aujourd’hui. Dommage qu’il le soit aussi par une affreuse ligne électrique.

C’est dans ce village que j’achète ma première saucisse sèche destinée à faire les délices de ma pause casse-croûte. Certaines communes se battent pour détourner vers elles le flot économique du Chemin mais ici, avec le pont classé, pas de danger de le perdre et il est sans doute inutile de ménager cette clientèle captive et à faible budget : j’attendrai plus d’un quart d’heure que le commerçant finisse d’arroser ses fleurs avant qu’il ne daigne me servir.

Eglise de Saint-Côme-d`Olt - Portail

Après Saint-Chély le chemin est agréable, pas trop accidenté, beaucoup d’ombre, pas de goudron. On y marche à bonne allure. Tout mon flanc gauche, jambe et bras, a pris une belle couleur rouge. J’ai attrapé un coup de soleil, il va falloir racheter un tube d’ambre solaire : au dernier moment avant de partir de chez moi,  pour alléger mon sac, j’ai éliminé celui que j’avais préparé !

Depuis Lestrade ça n’arrête pas de descendre, c’est assez raide, c’est assez pénible. Vraiment ce que j’aime le moins c’est la descente. Il faut faire très attention où l’on pose le  pied sinon adieu la cheville. Tension nerveuse plus un effort sur les genoux et les cuisses : fatigue.

Un petit écriteau pendu au milieu du sentier proclame: «Courage les toulousaines ! Le ch’ti. 13h05 ». Ca devait être un autre jour  parce qu’il n’est pas encore 13h. Sur le Chemin on trouve souvent ce genre de petits mots amicaux écrits dans diverses langues.

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Un groupe de marcheurs qui pique-niquent et masquent le marquage du chemin m’indiquent la route à suivre. Je n’avais pas vraiment besoin de cette précision mais ça me fait plaisir : on se sent solidaires.

Est-ce que j’ai maigri ?  Tous mes vêtements flottent autour de moi. Le sac aussi, tous les réglages sont en bout de course. Il va falloir que je règle tout ça.

Saint-Côme-d`Olt : ruelle

De temps en temps une  petite douleur familière me pince dans le milieu du dos (la machine n’est plus toute neuve !). Alors je pratique quelques respirations yoga. Je ne sais pas si elles sont conformes aux enseignements de Sophie, mon professeur de yoga,  mais en tout cas ça me soulage : expiration en tirant les épaules vers le bas, inspiration en remontant les épaules et penchant la tête en arrière. Au bout de deux ou trois mouvement plus de douleur. Un miracle.

J’essaye de dépasser « La Rozière » pour manger. C’est purement psychologique. Ce soir le gîte accueille de 4h à 6h. C’est un peu juste. J’ai l’impression que plus je m’avance plus je maîtrise le déroulement du parcours : pour savoir par exemple si je vais m’autoriser une sieste ou non.

Il est 1h et quart, je dois être à La Rozière. Je dis « dois être » car, quand on débouche dans un village (ou même une grande ville)  par un petit chemin, on ne bénéficie pas des panneaux généralement situés sur le bord des routes. On se fie donc au guide et à l’heure qui permet d’évaluer la distance parcourue. Chance : il y a un point d’eau gentiment mis à la disposition des marcheurs.

Un peu plus loin je m’arrête enfin à l’ombre d’une petite cabane en pierres. Une odeur de menthe se dégage sous le piétinement de l’herbe. Je m’installe pour déguster ma saucisse sèche si patiemment acquise.

Une heure après, on repart : il fait une chaleur terrible, dès que je sors de l’ombre j’ai l’impression de cuire. Mais bon, on y va.

Eglise de Perse

A l’entrée de Saint-Côme d’Olt je rattrape deux canadiens au sac fièrement orné d’une coquille et d’un petit drapeau de la Belle Province. Je suis surpris car ils ne répondent pas à mon « Bonjour » que je pensais pourtant engageant. Je comprendrai bientôt qu’ils sont perturbés par la perte du reste de leur groupe. Je les recroiserai un autre jour : ils auront retrouvé leur courtoisie.

Saint-Côme d’Olt et son clocher vrillé mérite bien son classement comme  un des « plus beaux villages de France ». Peut-être est-ce l’heure de la sieste : j’arpente la ville au milieu d’un silence incroyable. J’y  recroise les canadiens toujours aussi égarés.

Eglise de Perse

Au passage j’apprends que le «Olt » qui complète nombre de noms de villes de la région est en fait le nom occitan de la rivière qui les traverse. Les Français la rebaptisèrent Lot soit disant pour simplifier ( ?). Donc « d’Olt » signifie « sur Lot », et réciproquement !

Après Saint-Côme ont suit le Lot pendant un moment puis on attaque un raidillon dans un chemin raviné qui est assez pénible bien qu’étant à l’ombre. On débouche ensuite sur un plateau où j’ai retrouvé le goudron, ma foi j’ose le dire, avec joie : je ne suis pas un intégriste du petit chemin de campagne, il est parfois reposant  d’avoir un sol stable sous les pieds.

En route, détour involontaire par Notre-Dame de Vermus, une statue en haut d’un promontoire dominant le Lot. Ca valait la peine (au sens propre car il fait très chaud, ça monte et à un moment on traverse une ancienne carrière : un four) : en haut on aperçoit toute la vallée avec d’un côté Saint-Côme d’Olt et de l’autre Espalion.

Espalion : scaphandrier dans le Lot

Juste avant Espalion, l’église de Perse : très beau ! On y passerait beaucoup de temps, d’autant plus qu’en dehors de toute considération artistique, à l’intérieur il y fait frais. Vaut le détour.

Arrivée à Espalion en suivant la Perse puis le Lot : il y a des gens qui se baignent, c’est très agréable, l’ambiance est à la détente, c’est vraiment «le sud».

La ville en elle-même est très plaisante, un peu touristique bien sûr  mais ça ne fait pas de mal après l’austérité de l’Aubrac.

Le gîte d’étape, La Halte Saint-Jacques, est juste à la sortie du pont des Pèlerins (il y en a dans chaque ville sur le Chemin !). Accueil chaleureux, prix un peu élevé : 20 € avec le petit-déjeuner (ville touristique oblige). La chambre est un petit dortoir de 5 places (2 lits superposés et un lit seul). Je vais y croiser une française qui marche « au temps » : elle dispose d’un mois et elle avance à son rythme sans objectif précis ; et un couple de danois dont la dame a les pieds proches de la destruction totale : ils sont partis du Puy et espèrent arriver à Conques mais les étapes se raccourcissent de plus en plus.

Le soir petite balade le long du Lot : la statue d’un scaphandrier me tient compagnie pendant que je mets à jour les notes de mon carnet de route.

Pour demain j’ai réservé à Golinhac à 27 kilomètres. C’était une des dernières places. Tout le monde vise Conques et, compte-tenu des possibilités d’hébergement et de la distance à parcourir (48 kilomètres), le flot se resserre : c’est comme un bouchon à l’entrée d’une grande ville. Les « grandes villes » du Chemin ne se reconnaissent pas au nombre de leurs habitants !

158 kilomètres parcourus depuis le Puy-en-Velay

 

6 réflexions au sujet de “De Aubrac à Espalion – Chemin de Compostelle”

  1. quelle aventure
    salut Pierrot,
    je viens de plonger dans toutes tes péripéties et il faut reconnaitre que c’est passionnant. Grace à ton récit, on t’accompagne un peu sur le chemin.
    C’est aussi un sacré boulot de rédaction !
    bon courage pour la suite, car on compte t’accompagner jusqu’au bout.

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  2. Re: Espalion
    Je n’ai pas de préférence. J’étais parti avec l’idée de marcher seul mais j’ai eu l’occasion de trouver des compagnons de route pour une demi-journée ou pour plusieurs jours et je ne l’ai pas regretté. Le tout c’est de s’accorder au niveau du rythme de la marche.
    Il y avait des jeunes mais généralement ils ne faisaient qu’une partie du Chemin : obligations professionnelles ou scolaires obligent.

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