De Golinhac à Conques – Chemin de Compostelle

Lundi 1er septembre
7e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1367 kilomètres.

Conques
De Golinhac à Conques
Brumes

. Il est 8 heures, je quitte Golinhac. Lever 7 heures, petit-déjeuner 7h30, départ vers Conques. Il devrait  faire beau bien qu’il y ait de la brume, on entrevoit l’église de Golinhac à travers le brouillard  mais le fond du ciel est bleu.

Golinhac

Mon compagnon de chambre m’avait prévenu : « je ronfle, n’hésitez-pas à me secouer ». Je confirme, il ronfle, mais, les oreilles bien bouchées, j’ai réussi à dormir sans avoir à le brutaliser.

On va sans doute tous se retrouver à Conques car c’est vraiment un arrêt o-bli-ga-toi-re.

J’échange quelques mots avec une Canadienne. Elle fait partie d’un groupe qui va jusqu’à Compostelle. L’année précédente ils ont déjà fait la partie espagnole. Elle trouve la France très belle. En fait je la reconnais : c’est celle qui n’avait pas répondu à mon « bonjour » à Saint-Côme-d’Olt  Là elle est plutôt sympathique.

Espeyrac

8h20, je croise mon compagnon de chambre qui remonte vers Golinhac en clopinant. Ce matin je l’avais vu s’enduire abondamment le genou de pommade, mais là il a lâché. Pas de chance. Il va attendre le bus, c’est l’abandon.

9h15, Le Soulié, on est toujours dans la brume. Bon il ne faut pas exagérer, on voit quand même devant soit. Disons qu’on ne voit pas à plus de 100 m. Sur le bord du Chemin une petite table avec de l’eau, des thermos de thé et de café et un panneau « Servez-vous ». Même si je ne consomme pas ça fait chaud au cœur !

Un peu moins de 10 heures, je quitte Espeyrac, un joli petit village. Le soleil apparaît, il y a beaucoup de ciel bleu mais les coteaux restent dans la brume.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

En route je croise et je recroise au gré des arrêts techniques le couple de bordelais avec lequel je partageais le bungalow. La dame est très combative. Dans les montées elle rame mais dans les descentes elle court presque pour rattraper le temps perdu. Pas besoin de se presser : il n’y a que 20 bornes à faire.

Sénergues

Je viens d’être dépassé par un jeune qui a l’air de se promener sans effort. Il a un grand sac qui pend sur ses épaules auquel sont accrochés plusieurs autres petits sacs qui se balancent de droite à gauche quand il marche. C’est beau d’être jeune !

10h30, après une petite côte, Senergues, encore un joli village avec une église, une tour médiévale. En règle générale je trouve les églises plus intéressantes à l’extérieur qu’à l’intérieur, souvent banal, mais je ne suis pas spécialiste.

En bas de la côte je rejoins le jeune si véloce en prière au pied d’un crucifix. Je suis pour la première fois témoin de ce genre de manifestation de piété sur le Chemin. J’avais attaqué la côte quand soudain le jeune me doubla en courant, en sandales, nu-pieds, son sac se brinqueballant encore plus. Malgré le secours de sa foi et de sa jeunesse l’effort devait être trop rude car je l’avais rejoint un peu plus loin dans la côte, visiblement hors d’haleine. Je ne le reverrai plus jusqu’à Conques. Quelle mouche l’a piqué ? Ah, l’enthousiasme de la jeunesse !

Saint-Marcel

Après Senergues le Chemin continue à grimper. En route je rejoins une dame que je salue d’un grand  « Bonjour ». En fait je n’avais pas reconnu la « bordelaise combative ». Elle me rétorque qu’on n’allait pas se dire « Bonjour » comme ça toute la journée et qu’elle préférerait qu’on lui dise que la côte est bientôt finie. Arrivé sur le plateau  j’ai une petite pensée émue : elle n’a pas fini de souffrir !

Dans la région on trouve souvent des mâts plus ou moins hauts, de 3 à 10 m, genre mât de cocagne, tout peinturlurés et décorés avec des objets divers : plaque minéralogique, vélo,… Je ne sais pas à quoi ou à qui ils font honneur : gloire à nos élus ?

Un peu plus de 11h30, à environ 5 km de Conques je fais une petite pose à l’ombre d’un chemin creux face à deux chevaux qui pâturent dans un pré. Nous partageons notre repas et la même ombre. Il fait beau, le soleil joue à cache-cache avec de petits nuages. Ca ne cogne pas trop fort, il y a même par moment un petit vent frais bien agréable.

12h15, je viens de passer Saint-Marcel. Un âne dans un pré vient à ma rencontre et se met à braire. Sans doute un encouragement.

12h45, Conques. La descente sur Conques est très raide et le chemin très raviné : attention aux chevilles. Au gîte, l’accueil des pèlerins n’ouvre qu’à 14h. J’en profite pour aller me restaurer. Après plusieurs jours de saucisse sèche je m’autorise, malgré le prix,  une « assiette express » au descriptif alléchant : déception, elle est vraiment « express », pas du tout à la hauteur de mon appétit.

Conques

De retour à l’accueil je retrouve le « fou de Dieu » qui attend lui aussi l’ouverture et qui engage la conversation : il est d’Heidelberg,  il est parti du Puy et se dirige vers Lourdes. Je le recroiserai à Cahors.

Comme annoncé lors de la réservation il n’y a plus de chambres, uniquement des places en dortoirs. C’est mon premier « grand » dortoir : il doit y avoir 16 places en lits superposés. Ca me rappelle mes classes militaires. Je m’installe, je suis seul et espère naïvement que je vais le rester. En fait au fur et à mesure que la journée s’écoule, le dortoir va se remplir jusqu’à faire le plein. J’y ferai à nouveau connaissance avec un cycliste qui va vers Lourdes et qui a déjà fait Saint-Jacques en vélo en partant d’Arles.

Profitant du beau temps et de mon arrivée précoce, je me lance dans une grande lessive : le short,  les chaussettes, la chemise, tout, même la serviette. D’ailleurs tout est rapidement sec à l’exception comme d’habitude des chaussettes. Il faut que je trouve le  truc. En attendant la recette miracle elles finiront par sécher demain sur le sac. Mais cette lessive m’a pris une heure et  m’a donné mal au dos : manque d’entraînement diront certain(e)s, pour trois-quatre petites pelures je ne suis pas très performant.

Conques, l`abbatiale

Conques est enthousiasmante, c’est une ville à voir. Ca vaut vraiment le coup. Mais, rançon de la gloire, il y a beaucoup de touristes. Des cars entiers de gens qui parlent très fort et qui envahissent les monuments. En visant bien on arrive quand même à être presque seul.

Je commence par visiter l’abbatiale qui est à deux pas du gîte. Des jeunes de l’association CASA proposent une visite gratuite. Pourquoi s’en priver. J’ai un guide pour moi seul, Pierre, qui m’entraîne à travers l’abbatiale. Il m’a prévenu, c’est sa première prestation. Même s’il a eu quelques hésitations, Pierre s’en est bien sorti (avec un tel prénom je ne pouvais qu’être indulgent !). Il y a plein de choses que je n’aurais jamais vues ou comprises par moi-même : les restes de couleurs, d’époque, sur le porche, les petits trous qu’on aperçoit à la place des yeux des statues et qui contenaient des billes de plomb pour donner plus de vie au regard, les « curieux » qui se cachent sur le pourtour du tympan …

Conques, les curieux

J’enchaîne avec la visite du trésor : même si les pièces présentées sont extraordinaires j’ai l’impression d’en faire le tour en un quart d’heure. Sans doute faudrait-il ici aussi un guide. Même remarque pour le musée dont le billet d’entrée est vendu celui du trésor.

A l’aide du  plan offert par l’Office de tourisme je parcours ensuite la ville : c’est très intéressant mais c’est aussi très en pente et l’accumulation des étapes précédentes se ressent, j’ai vite les jambes lourdes. Je rentre me reposer un peu.

Le soir, repas communautaire en grandes tablées. On est une cinquantaine là-dedans. Je me retrouve à côté d’un couple de gens du Nord qui font un bout du Chemin en huit jours, plutôt rando que pèlerinage. L’ambiance est agréable. A la fin l’inévitable chant du pèlerin, Ultreia : je ne me sens pas vraiment dans le coup mais si on ne supporte pas on peut toujours choisir le gîte communal.

Au programme du soir concert d’orgue et visite des tribunes de l’abbatiale, le tout précédé d’une bénédiction (à laquelle je n’ai pas assisté) et d’une présentation du tympan de l’abbatiale par un des pères Prémontrés. Cette présentation correspond à ce que m’avait dit mon jeune guide, mais elle est ici un peu plus détaillée et surtout plus convaincue, plus vivante, le père ayant des talents certains de conteur. Je vous passe les détails que vous trouverez dans tous les bons ouvrages.

Conques, le paradis, l`enfer

Le père se lance ensuite dans l’histoire de Sainte Foy sur le mode épique. Je vous résume, à ma manière. Après la construction de la première abbatiale, il fallait lui trouver des revenus, donc y attirer le chaland. A l’époque rien de mieux qu’une bonne relique. N’ayant rien de tel sous la main les moines entreprirent de subtiliser les reliques de Sainte Foy à Agen. Ce vol pur et simple fut pieusement rebaptisé « translation » des reliques ! La présence des reliques donna un élan à Conques et à son abbatiale désormais nommée Sainte-Foy. Charlemagne, très satisfait des résultats obtenus, donna des terres aux moines pour qu’ils y transposent  leur œuvre d’évangélisation, de pacification et de développement. C’est pourquoi on trouve partout en Europe des villes comportant le terme  «Sainte Foy » (en Espagne, Santa Fé). Puis évidemment le nom de ces villes a été exporté sur le nouveau continent. Toutes ces villes doivent donc quelque chose à Conques ! C’est une incroyable  « success story » d’un autre temps ! Mais à la base, il y a quand même un vol ! Les voies du Seigneur sont impénétrables.

Conques

Ensuite donc concert d’orgue joué par un des pères. L’ampleur de l’orgue, une bonne acoustique et une semi obscurité poussent à la méditation, au recueillement ou à la rêverie selon sa sensibilité. Pendant ce temps on peut visiter les tribunes moyennant 5 euros (ça, c’est une surprise). C’est une sorte d’allée circulaire en haut de l’église depuis laquelle on a une vue plongeante sur le chœur. Elle n’a jamais été prévue pour être utilisée en tribune ou pour la déambulation, c’est en fait une astuce architecturale pour consolider la structure romane de l’abbatiale qui, faute de pouvoir être construite en largeur dans cet endroit très encaissé, s’est élancée en  hauteur.

Le concert d’orgue se termine vers 22h par quelques airs de musique pop : il faut vivre avec son temps.

Extrait du concert d’orgue

Pour demain j’ai réservé dans une chambre d’hôte à Montredon  à environ 5 km au-delà de Livinhac-le-Haut, soit une étape de 29 km. Je reprends ma course en avant.

206 kilomètres parcourus depuis le Puy-en-Velay

 

 

14 réflexions au sujet de “De Golinhac à Conques – Chemin de Compostelle”

  1. le « mai », ou arbre de Mai
    Bonjour,
    Les arbres plantés près de certaines maisons sont une tradition dans nos régions qui se pratique, selon le département, lors d’une élection municipale (Lot, Dordogne, Corrèze etc) ou pour les conscrits (personnes nées la même année) les garçons mettent une branche ou un jeune arbre vers le 1er mai d’où son nom d’arbre de Mai . En Franche Comté, l’essence de l’arbre déposé donnait des infos sur le caractère ou les habitudes de la demoiselle. (le houx : fille cruelle ou le cerisier : fille facile etc)
    Sinon ton blog et tes photos sont au top ! et j’ai suivi toutes les étapes de tes pérégrinations !
    Cordialement,
    Jacques
    (www.chemin-de-jacques.fr)

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  2. RE : Arthur
    Très heureux de savoir qu’Arthur est fidèle au poste.
    Pour l’adresse de rols je suis désolé, mais comme il est d’usage je ne transmets pas les adresses de ceux qui commentent ce site.
    Cordialement
    Pierre

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  3. Arthur
    Je retrouve votre récit à partir de Facebook. Moi, je suis passé le 30 avril 2014 et Arthur était toujours là. Si vous pouviez m’envoyer l’adresse de rols, que je lui envoie une photo d’Arthur et moi prise ce jour.
    Merci !

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  4. Curieux
    Bonjour Pascal,
    Lors de la visite on m’avait donné des explications que j’ai malheureusement oubliées. Sur Internet j’ai trouvé « une mise en abyme de notre curiosité »…

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  5. I was there !
    Salut Pierre,

    Nous sommes allés visiter Conques il y a quelques jours (nous étions dans un gîte à Leynhac), et on a pensé à toi… Très joli petit village, davantage sous le soleil je pense, bonnes pentes bien essoufflantes surtout quand Érin ajoute ses kilos dans son porte-bébé dorsal ! J’avais aussi remarqué les « curieux » sur le porche de l’église. As-tu eu des explications à leur présence ?
    @ bientôt.

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  6. mât
    Bonjour,

    Tout d’abord merci pour ce récit et ces photos. Cela donne envie de partir sur le chemin…

    Je poste ce commentaire car je pense pouvoir répondre à la question que vous vous poser sur les mâts que vous avez vu près de sénergues.
    Il ne s’agit pas de politique (gloire aux élus) mais d’amour (;-)), puisque ce sont des arbres plantés lors des enterrements de vie de garçon. On enterre l’arbre comme on enterre sa vie de garçon. Depuis peu, il y a également des jeunes filles qui le font, dans ce cas là, elles plantent une « sapinette » (l’arbre est plus petit).
    Bon courage pour la suite de votre site.

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  7. Re: Conques
    Bonjour Bernard.
    Le côté mécréant n’a en l’occurrence pas beaucoup d’importance. Les vitraux de Soulages procurent une belle lumière douce à l’intérieur de l’abbatiale, mais je les ai trouvés tristes et monotones même s’ils sont tous différents : il paraît que des goûts et des absences de couleurs on ne discute pas, donc ….

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