Vers Bayonne sur la voie littorale – Mes Chemins de Compostelle

Mercredi 16 septembre,
29e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 911 kilomètres

Bayonne
De Vieux-Boucau à Bayonne

7h15, je quitte le village-vacances du Vieux Boucau en compagnie de Christian. J’envisage d’aller jusqu’à Bayonne, à plus de 40 km, et ça l’inquiète un peu, il a peur que ses pieds ne soient pas suffisamment bien rétablis. Nous n’avons encore rien réservé, nous allons voir si notre équipe fonctionne et jusqu’où nous pouvons poursuivre ensemble cette étape. Le temps est brumeux, il est difficile de savoir s’il pleuvra ou non. Aujourd’hui je commence ma 5ème semaine, Christian lui est un vétéran, il l’a commencée hier.

A l’accueil ils nous ont confirmé qu’il n’était pas nécessaire de repasser par Soustons, nous pouvons rejoindre le Chemin en continuant vers le sud la piste cyclable. De toute façon nous avons peu de chance de nous perdre Christian, à la pointe du progrès, est équipé d’un GPS qui nous alertera si nous nous écartons trop de la direction générale. En route nous faisons un peu plus connaissance et évoquons les joies et les peines de nos vies respectives et nous nous apercevons que nous avons vécus beaucoup d’expériences similaires. Christian, qui de par son métier a beaucoup voyagé, conclut «En fait malgré toutes nos différences on est tous pareils. Tous ces sentiments qui nous paraissent intimes et personnels les autres les éprouvent aussi», nous éprouvons tous les mêmes émotions devant les grands événements de la vie.

A un rond-point où nous hésitons sur la direction à prendre un cycliste s’arrête. Il est Suisse, lui ne fait pas le Chemin il roule pour soutenir une association de lutte contre le cancer dont sa femme est atteinte. Je n’ai pas trop compris le rôle de son périple dans cet effort si ce n’est que, à sa façon, il essaye d’apporter sa contribution.

10h30 petite pause sur une plage du lac d’Hossegor. Nous nous entendons bien, nos rythmes s’accordent bien. Tant pis pour Bayonne et mes ambitions, moi qui rêvais de rencontrer des pèlerins j’en tiens un je ne le lâche pas, nous réservons des places dans un autre village-vacances qui accueille des pèlerins à « Le Métro », une plage près de Tarnos. C’est assez étrange de traverser ces villes balnéaires où je suis venu en camping deux années de suite avec des copains après chaque bac ; en ces temps reculés il fallait en passer deux complets, pas seulement une année le français puis l’année suivante le reste, les deux fois toutes les matières, en plus le premier avait été baptisé « Probatoire ». Une autre époque.

Lorsque nous arrivons à Capbreton il se met à pleuvoir, comme toujours dans ces cas là j’allonge le pas. Christian suit. Heureusement la pluie ne dure pas. Peu après la ville nous nous arrêtons pour la pause casse-croûte. Christian fait connaissance avec mes manies : il me faut un arbre pour m’appuyer quand je mange. Il verra quand il aura mon âge !

Au niveau de Labenne, nous nous sentons en forme, les pieds de Christian le laissent tranquille, le circuit proposé par le guide fait un grand crochet pour rejoindre la plage du Métro où il restera moins de 10 km pour rejoindre Bayonne. Toutes ces mauvaises raisons nous décident à couper directement vers Tarnos en espérant ainsi gagner quelques kilomètres et faire étape à Bayonne. J’appelle le centre d’hébergement à la maison diocésaine, ils ont de la place mais ils ne pourront pas nous servir à manger, il aurait fallu réserver la veille. Nous avons le choix entre une chambre double ou deux chambres individuelles, Christian opte pour les chambres individuelles « On pourra ronfler plus librement ! », c’est vrai et puis nous ne sommes pas encore très intimes ! Notre interlocuteur doit avoir un bon pas car il nous annonce que le refuge est à 10 minutes de la cathédrale alors que d’après le guide il est à 1,8 km. Méfiance. Maintenant que nous sommes sûrs de ne pas être à la rue j’appelle pour annuler la réservation au Métro. Ils sont déçus, tout était prêt pour nous recevoir. J’ai des remords surtout qu’ils s’étaient démenés pour tout organiser, notre heure probable d’arrivée étant en dehors de leur plage d’accueil. Je m’excuse le plus platement possible et pour ne pas faire de tort aux pèlerins qui nous suivront je mens, « nous avons eu un problème nous devons faire étape avant » ; c’est pour la bonne cause, cela devrait m’être pardonné au bout du Chemin.

Grâce au GPS de Christian nous filons plein-sud, du pèlerinage hors-piste. Philippe-Alexandre serait horrifié. Un peu avant Tarnos nous retrouvons le marquage du Chemin, je propose à Christian de le suivre, de quitter le vacarme de la circulation, de rentrer en orthodoxie. Nous quittons le voisinage de la route et de la ligne de chemin de fer pour emprunter une piste agréable où nous côtoyons des familles qui manifestement vont ou reviennent de la plage. Christian me signale que c’est mauvais signe d’autant plus que son GPS s’affole. Je m’entête, déclare que c’est provisoire, que nous allons sûrement croiser un autre chemin qui nous ramènera dans la bonne direction et… un peu plus tard nous voilà au Métro ! C’est la journée des excuses. Petit avantage nous voyons pour la première fois, de loin, les Pyrénées dont la hauteur nous impressionne. Un moment de repos face à ce paysage s’impose pour le coup d’œil mais aussi pour apaiser nos jambes déçues par cet extra et qui commencent à se plaindre.

L’arrivée sur Bayonne en suivant les bords de l’Adour par les quais n’est pas particulièrement agréable. Il nous tarde d’être en ville. J’y ai aussi des souvenirs. Lors de ces années camping nous étions venus participer aux fêtes de Bayonne, la sangria y coulait à flot et nous chantions sous le balcon de Marie-Christine .

Enfin voilà un beau pont rouge puis un pont en pierre qui nous donne accès à la ville. Bayonne est belle sous les gros nuages gris. Elle est également belle avec ses petites rues vivantes qui mènent à la cathédrale. Tout nous paraît magnifique, nous y sommes, nous l’avons fait.

En sortant de la cathédrale nous demandons le chemin de l’accueil diocésain à deux dames. A leur regard nous comprenons tout de suite que nous ne sommes pas encore arrivés. Elles nous indiquent la direction générale, ce n’est pas tout près et ce n’est pas facile à trouver, elles complètent leurs explications par un « Là vous demanderez, tout le monde ici connaît ». A tout hasard Christian paramètre son GPS.

Les livres des récits de mes marches vers Compostelle

Après quelques errances dont une nous mène devant une supérette où Christian s’approvisionne pour l’après-repas nous arrivons vers 19h au refuge. A l’entrée nous croisons tout un groupe qui vient à notre rencontre avec de grands sourires « Vous faites le Chemin de Compostelle ? » « Oui » « Nous aussi, nous partons demain matin en bus ». Même si nos chemins sont très différents nous partageons le même but, le même espoir d’y arriver.

A l’accueil lors de l’inscription toute l’attention se porte sur Christian, le Canadien, le Québécois. Il va falloir que je m’habitue, il faut même que je rectifie, presque que je m’excuse, c’est le jour, « Non, moi je ne suis pas Canadien, je suis Français… seulement ». Et en plus il n’a pas l’uniforme, sinon qu’est-ce que ce serait !

Le soir repas dans une pizzeria toute proche où si le menu est sans surprise l’accueil est très sympathique, puis partage dans la chambre d’une bouteille selon le rituel de Christian auquel je m’adapte sans effort. Tout au long du Chemin, pour ne pas voyager idiot, il va ainsi goûter les vins des régions qu’il traverse, je l’accompagne avec plaisir dans cette recherche de la connaissance. Décidément nous formons une bonne équipe.

Demain j’aimerais aller jusqu’à Irun, atteindre l’Espagne, plus besoin de réservation, les accueils sont plus tardifs, on devrait y rejoindre d’autres pèlerins qui vont commencer là leur voyage. Je vante à Christian tous les mérites de cette proposition, mais c’est encore à plus de 40 km, il hésite, ses pieds râlent un peu mais il pense pouvoir les convaincre, il sait comment manier les troupes. C’est d’accord, on va tenter encore une fois cette aventure ensemble.

Bayonne - Pont Mayou
932 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

2 réflexions au sujet de “Vers Bayonne sur la voie littorale – Mes Chemins de Compostelle”

  1. RE : Arrivées tardives dans les refuges..
    Bonjour Florence,
    En fait que ce soit en 2008 ou en 2009 j’étais en Espagne de fin Septembre à mi-octobre et je n’ai jamais eu de problème de logement en refuge que ce soit sur le Camino Frances ou le Camino Norte. J’avoue que cela rend le voyage plus serein.

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  2. Arrivées tardives dans les refuges..
    Bonjour Pierre. Cette année en 2010, en Avrim/Mai, en Espagne, l’arrivée à 19h posait de gros problèmes de logement! Peut-être pas en 2009! J’attend avec intéret la suite de ton récit!

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