Vers Villalba sur le Camino del Norte – Mes Chemins de Compostelle

Dimanche 11 octobre,
53e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 159 kilomètres

Villalba
De Mondoñedo  à Villalba

8h15, je quitte l’auberge de Mondoñedo, le ciel est couvert, il ne pleut pas. Devant la cathédrale un paysan a installé son étal sur la place où règne le calme du « domingo », peut-être y a-t-il marché, mais pour le moment il est seul.

Aujourd’hui, donc, direction Villalba à environ 35 km. L’auberge est isolée, juste à l’entrée de la ville, à 1,5 km du centre d’après mon guide. Je n’aime pas trop ça, mais je n’ai pas le choix, celle de Gontan, mieux située, n’est qu’à 16 km, sinon il faut aller jusqu’à Baamonde à 55 km, c’est quand même un peu loin, je ne voudrais pas prendre le risque d’anéantir cette forme retrouvée dont j’ai besoin pour arriver dans les temps. J’ai proposé à Hélène le 17 octobre pour me rejoindre à Santiago, c’est une date que je suis pratiquement sûr de tenir. Elle viendra par le bus, 24 heures de trajet, elle n’a pas envie de prendre l’avion ni le train. Nous explorerons ensemble pendant quelques jours la ville et ses environs. Christian, joint par SMS, m’a répondu qu’il ferait son possible pour être là, il aimerait la rencontrer, mais pour le moment il a du mal à griller des étapes en raison des très forts dénivelés. « Prend ton temps, profite du Chemin » lui-ai je conseillé, chose que je n’arrive pas vraiment à faire.

Rapidement la route s’élance à l’assaut de la montagne par petits bonds successifs. Sur mon flanc gauche la crête est couronnée par toute une batterie d’éoliennes au repos, confirmant l’absence de vent. Quelques écharpes de brumes s’accrochent à la forêt, le ciel bleu perce à travers les nuages. Ce matin j’ai rééquilibré mon sac, j’avais remarqué qu’une bretelle était plus longue que l’autre. J’ai réglé tout à l’identique et il me va désormais comme un gant. Je me sens bien.

12h je quitte Gontan où je suis arrivé vers 11h30 en compagnie de Bastian. Nous nous sommes rejoints alors qu’il redémarrait après une pause puis nous avons fait route ensemble. C’était agréable, la soirée d’hier soir nous a rapprochés. Il préfère s’arrêter plus souvent alors que je préfère marcher un peu plus lentement avec un minimum de pauses. Kristine sortait du café au moment où nous y entrions, elle nous a annoncé que la météo prévoyait du beau temps ce que semble confirmer le soleil qui a écarté les nuages, pourtant en route il y avait de temps en temps une petite bruine. Bastian est resté, il prolonge sa pause café et quelque part ça m’arrange, car il est un peu plus rapide malgré sa douleur aux pieds qui persiste. Une pensée : le chemin c’est comme la vie, il arrive un moment où on se dit que le seul but c’est désormais d’arriver au terme du voyage mais il suffit d’une belle rencontre, d’un beau paysage, d’une belle journée, d’un bout de chemin partagé pour que tout reprenne son intérêt. C’est la forme je vous dis, je positive.

Bastian avait 2 semaines de congé à prendre et, attiré par l’océan et le côté sportif du parcours il a décidé de les passer ici. Il a planifié son trajet sur la base des étapes proposées par son guide, le même que celui de Kristine, toutes de 30 km et plus. Il souffre apparemment terriblement des pieds, ce ne sont pas des ampoules, c’est vraiment mal aux pieds, dans les pieds. Il a beau être jeune, la trentaine, et très sportif cela n’est pas forcément surprenant après seulement une semaine de marche dans les jambes, la longueur de ses étapes, les montées, le poids du sac et un manque de pratique. Le problème c’est qu’il ne peut pas ralentir, faire des étapes plus courtes, car son avion est le 17. Donc il fonce en serrant les dents.

14h je m’arrête pour casser la croûte à l’ombre d’un châtaignier après avoir fait le ménage des bogues. Il fait très beau, c’est paisible. Juste avant, j’ai traversé une grande zone de construction d’autoroute parfaitement silencieuse, figée, pour cause de repos dominical. Sans doute un des efforts de redressement économique de l’Espagne suite à la crise, encore des travaux, toujours des travaux.

Alors que je quitte mon arbre, Bastian déboule. Je m’accroche un moment, puis je le laisse filer, il est préférable que je garde « mon » rythme. En règle générale la majorité des gens sont meilleurs marcheurs sur ce parcours que sur le Camino Frances, beaucoup ici veulent en découdre avec le Chemin, ou avec eux-mêmes.

14h46 je traverse la Nationale à la hauteur de Castromajor, une borne m’informe qu’il reste 133,087 km jusqu’à Santiago : soyons précis, ce n’est pas parce qu’on est à pied qu’on doit être flou.

J’arrive à l’auberge de Villalba peu avant 17h. Kristine m’y précède de quelques mètres. Comme d’habitude, pour les auberges de la Xunta, c’est nickel, par contre elle est loin de tout. Ce qui me surprend c’est la foule des pèlerins. On est bien une vingtaine. D’où sortent-ils ? Mystère. Quand je suis arrivé l’un d’entre eux m’a demandé si j’étais fatigué comme s’il me voyait prêt à m’écrouler. Cela m’a bêtement irrité, moi qui me sentais au top, content de cette journée. Mais c’est vrai que je ne me vois pas ; il m’arrive de penser qu’untel ou unetelle a l’air épuisé, je donne peut-être la même impression, l’extérieur n’est pas toujours le reflet de l’intérieur. En route il a fait très beau et le chemin était très agréable souvent bordé par des pierres levées qui clôturent les champs. Encore une excellente journée.

Margot et Jacques sont ici, il a attrapé une sorte de tendinite au talon et ils ont dû raccourcir leurs étapes. Une pancarte précise que l’hospitalière passera à 21h ce qui n’est vraiment pas commode quand on doit aller trouver sa pitance en ville. Eux ont prévu de manger ici et ils proposent gentiment de garder ma crédentiale et les 3 euros réglementaires.

Sur le chemin vers le centre ville je me retrouve en compagnie de trois Suisses, Agnès et Pierre, un peu plus âgés que moi, et Marcel beaucoup plus jeune. Ils ont l’intention d’aller à la messe puis ils chercheront où manger. En route Pierre me conte l’histoire d’une femme très croyante qui, désirant faire le pèlerinage de Saint-Jacques, demanda à son mari athée de l’accompagner ; celui-ci accepta en précisant que lui le ferait pour ne pas la laisser seule et « pour le sport ». Je vous résume l’essentiel et saute directement à la chute pressentie : au retour l’homme « sportif » se fit baptiser ! Une bien belle histoire. Je lui fait part de mon point de vue : je ne crois qu’en une seule chose, La vie, et qu’au même titre et avec la même importance qu’un verre de terre ou un de ces satanés virus nous ne sommes qu’une pierre, sans jeu de mot, de cet édifice qui n’a d’autre but que lu- même, c’est-à-dire en fait sans finalité. Entre Pierre il ne peut y avoir d’anicroche et nous continuons à avancer tout en poursuivant paisiblement notre échange métaphysique. Dans l’église Santa Maria, proche de la tour « del Homenaje » symbole de la ville, à 19h30, heure à laquelle il devait y avoir messe, il n’y a pas un chat ! Mes compagnons s’agenouillent et entonnent un psaume, je m’éclipse discrètement.

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Au centre ville j’entre dans un des rares restaurants ouverts. Il propose des « platos combinados ». A peine passé commande mes nouveaux compagnons de voyages passent devant la vitrine. J’attire leur attention, ils me rejoignent. Pendant le repas j’apprends qu’ils reviennent tous de Saint-Jacques ; Agnès et Pierre retournent à Ribadeo d’où ils sont partis après deux semaines en tant qu’hospitaleros. Marcel, lui, en est à son 150ème jour sur le Chemin ! Venu de Suisse il a parcouru les Pyrénées sur toute leur longueur puis a pratiquement essayé toutes les variantes possibles pour arriver à Saint-Jacques ; maintenant il revient par le Camino Norte et pense qu’il sera encore en France à Noël. Est-ce un routard du Chemin ou un pèlerin « à l’ancienne » qui progresse entre deux petits boulots ? Un autre monde, un autre mode de voyage, un autre mode de vie.

A la fin du repas Pierre insiste pour payer les 4 repas. Comme je refuse, Agnès m’explique que quand ils ont fait le Chemin en France, il y a quelques années, beaucoup de Français très accueillants les ont aidés sans jamais accepter d’être dédommagés et, qu’en quelque sorte, ils payent leur dette à travers moi. J’accepte. Merci amis Suisses, vous qui ne trouvez pas les Français trop arrogants.

Demain ce devrait être Miraz à un peu moins de 40km. Je sens l’écurie proche.

1674 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

2 réflexions au sujet de “Vers Villalba sur le Camino del Norte – Mes Chemins de Compostelle”

  1. Re: Villalba
    hello Pierre, toujours des photos superbes ,cette année il me reste 8 jours de marche pour arrivé à st jean pied de port .peut être au mois d’Aout .Merci pour le réçit de tes étapes qui donne envie de reprendre le chemin. A bientôt.
    Jocelyn de Cahors.

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