Vers Soto de Luiña sur le Camino del Norte – Mes Chemins de Compostelle

Mardi 6 octobre,
48e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 329 kilomètres

Soto de Luiña
De Aviles à Soto de Luiña

7h30, je sors de l’auberge d’Avilés. Il fait nuit, je vois la lune c’est bon signe il y a au moins un coin du ciel qui est dégagé. Rien n’a séché, chaussettes, slip, même la chemise est humide. Je l’ai remise telle que, pas la peine d’en mouiller une seconde, mais il fait un peu frais et ce n’est pas le confort optimum. Aujourd’hui au menu 39 km avec un profil en dents de scie assez accentuées.

Je repars en direction du centre ville par les rues piétonnes luisantes des pluies de la veille, c’est vraiment une belle ville dommage que je n’ai pas eu le temps de mieux la découvrir. Dans le bar où je prends un café la météo annonce de la pluie sur La Corogne et un temps couvert ici : je reste optimiste, il devrait faire sec.

Au niveau de la cathédrale j’ai une hésitation sur la route à suivre. Une femme m’aborde et me dit « This way », « c’est par là ». Elle m’explique qu’hier soir elle est venu faire une reconnaissance du Chemin ; c’est vrai que les sorties de ville sont souvent problématiques. Nous continuons ensemble. Elle est Allemande, s’appelle Kristine et vient d’Heidelberg. Je l’avais remarquée hier à l’auberge, nous nous étions juste salués, elle avait l’air décharnée et épuisée comme après une course de fond. Elle est partie d’Irun et compte aller jusqu’à Fisterra. C’est une très bonne marcheuse et dans les côtes j’ai un peu de mal à suivre.

Tout à nos discussions nous nous apercevons que nous nous sommes égarés. Nous demandons notre route à un passant qui au lieu de nous expliquer comment retrouver le Camino tient absolument à nous accompagner pour nous remettre dans la bonne direction. De temps en temps il consulte le GPS de son téléphone portable et à un moment, très content de lui, il nous abandonne avec un grand sourire : nous sommes sur la grand route vers Santiago ! Avec l’aide d’autres passants moins équipés mais mieux informés nous finissons par rejoindre le Chemin sur un itinéraire plus calme. La lune est toujours dans le ciel.

En route nous rattrapons quelques pèlerins, notamment un Suisse qui voyage avec un petit chariot qu’il traîne derrière lui, surmonté par tout un attirail de peinture. Je lui demande si c’est pratique. Il m’explique qu’il s’était imaginé en train de faire des aquarelles pour saisir quelques paysages ou des instants du Chemin, mais depuis le départ il n’a jamais trouvé le temps et jusqu’à présent il trimbale tout ce matériel pour rien.

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Face à une vue dégagée sur l’océan que nous suivons de loin Kristine trouve le paysage propice à une pause. Il est un peu tôt pour moi mais je l’accompagne, toujours prêt à apprendre la lenteur. Elle se prépare un sandwich avec des tranches de pain complet, un bout de fromage et des lamelles de poivrons rouges qui me font penser à Norbert dont on se moquait gentiment. Elle me propose de le partager. Je refuse d’abord noblement puis me laisse tenter, curieux de connaître le goût de cette préparation. Et bien c’est très bon et c’est moins fragile que les tomates, il faudra que j’essaye. Après cette collation elle s’installe dans une pose méditative. Plus tard je lui demanderai si elle fait du Yoga, non c’est le Zen, et je m’en serais douté, elle est végétarienne.

Puis ce sera la belle baie de Soto del Barco précédée par le village d’El Castillo surmonté d’un donjon. Un peu plus loin nous faisons le détour par Cudillero un village de pêcheurs dont tous les Espagnols nous ont vanté la beauté et le côté typique. C’est effectivement très joli mais également très touristique. Pour y accéder il faut revenir au niveau de la mer par une pente assez raide que, évidemment, il nous faudra remonter de l’autre côté pour rejoindre le Chemin. En prévision de cet effort nous nous offrons une bière dans un des nombreux bars du port.

Après Cudillero les travaux de construction d’un futur autoroute ont une fois encore détruit le Chemin nous obligeant à suivre la nationale pendant un long moment.

18h, nous voilà à Soto de Luiña. Même si nous sommes accueillis par quelques gouttes le temps nous a souri, il a fait beau toute la journée. A l’auberge nous retrouvons le tandem Espagne-Argentine. Ce soir encore il y a beaucoup de monde, des cyclistes et un groupe de quatre Françaises dont trois marchent pendant que la quatrième fait la route en vélo. Il y a aussi un drôle de pèlerin, c’est le cas de le dire, habillé en « civil », décavé et le geste incertain au point qu’on se demande s’il est malade ou s’il est ivre, mais soyons honnêtes il ne dérange personne.

Vers 19h un hospitalero vient nous faire un topo en espagnol sur le chemin que nous allons emprunter demain. Il me semble que je comprends l’essentiel : ce sera pratiquement entièrement sur route, sur la N-634a où le « a » signifie « antigua », c’est l’« ancienne » route qui est maintenant désertée au profit de l’autoroute, donc il y aura très peu de circulation. Il nous conseille également un petit détour vers une plage.

Le soir Kristine se prépare un repas conforme à ses habitudes pendant que je vais refaire le plein au restaurant face à l’auberge qui propose un menu à 10 euros. J’y retrouve les Françaises qui m’invitent à leur table. Un peu plus loin le pèlerin atypique fait précéder son repas d’un nombre impressionnant de verres de whisky, l’énigme est résolue. Il y a une autre énigme à résoudre : pourquoi un « steak-frite » espagnol comporte t-il beaucoup plus de viande que de frites ? Les pommes de terre y seraient-elles plus onéreuses que le bœuf ? Mystère.

Un peu avant 21h je rejoins l’auberge qui occupe une aile d’une ancienne école. L’autre aile sert de salle omnisports et ce soir c’est danse. Des flots inquiétants de musique s’en échappent mais à 22h tout redeviendra calme.

En préparant mes affaires pour demain je demande à Kristine si elle a envie qu’on fasse encore un bout de chemin ensemble. Elle me répond que le matin quand elle est prête elle part. On ne peut pas vraiment parler de grand enthousiasme mais ce n’est pas non plus un rejet, à moins qu’elle n’ose pas me dire carrément qu’elle préférerait marcher à son rythme et qu’elle envisage de se lever à 6h. Dans tous les cas c’était une très agréable journée et demain on verra bien.

Les possibilités d’hébergement suivantes ne sont pas vraiment attractives. Cadavero à 23 km ne propose que 8 places très spartiates ; ensuite c’est La Almuña, à environ 40 km qui est très à l’écart de la ville de Luarca décrite elle comme très intéressante. Le profil du chemin est assez plat et maintenant que la forme est revenue j’aurais plutôt tendance à vouloir m’avancer donc sauf incident ce sera La Almuña avec ou sans Kristine.

1508 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

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