Auffargis à Authon-la-Plaine – Départ vers Compostelle par la voie de Tours

Mercredi 19 août,
premier jour de marche : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1798 kilomètres

Authon-la-Plaine
De Auffargis à Authon-la-Plaine

8h30, je viens de quitter la sente de la Gâtine à Auffargis, là où j’habite, direction Authon-la-Plaine à environ 38 km où j’ai réservé une place dans une chambre d’hôtes. D’accord ce n’est pas un départ très matinal mais les jours sont encore longs et je voulais pouvoir faire mes adieux sans obliger tout le monde à se lever à l’aube : la maison est déjà pleine d’enfants et de petits enfants et il en arrive d’autres dans la journée, tous vont rester plusieurs jours. C’est les vacances ! Ma femme va sûrement être épuisée à s’occuper seule de tout ce monde mais d’un autre côté cela va assurer une transition et peut-être atténuer le vague à l’âme provoqué par mon départ.

Je suis en forme mais j’espère que je n’ai pas été trop ambitieux pour cette première étape. En fait j’ai eu du mal à trouver un hébergement ouvert, dans la région beaucoup d’établissements sont fermés au mois d’août, à un tarif abordable et qui ne soit quand même pas trop près de chez moi : il y avait bien une possibilité du côté de Saint-Arnoult à environ 20 km mais j’aurais eu l’impression d’aller dormir au fond du jardin. Ce soir j’ai envie de me sentir vraiment parti, loin des sentiers que je sillonne habituellement.

A Auffargis nous avons notre croix de Saint-Jacques, eh oui, sur la route qui mène à l’abbaye des Vaux-de-Cernay, ce qui explique sa présence. J’avais un moment envisagé de passer par là  pour le symbole mais dans mon cas ce n’est vraiment pas le chemin le plus direct et, pour un premier jour, l’étape est déjà suffisamment longue, pas la peine d’en rajouter : tant pis, je me passerai du symbole.

Il fait très beau et il va faire chaud. Ce départ tardif ne me fait pas profiter de la fraîcheur matinale. On ne peut pas tout avoir.

J’ai les cartes IGN de la région jusqu’à Angerville où je rejoindrai le tracé « officiel » du Chemin. Pour le moment je n’ai pas encore sorti celle dont je me sers régulièrement dans mes escapades locales et qui du fait même est quasiment en lambeaux. Je rejoins la « Ferme Blanche », emprunte le chemin de terre pompeusement appelé « route » des Vindrins à la sortie duquel je retrouve la forêt de Rambouillet et le GR1 que je vais suivre jusqu’à Saint-Arnoult-en-Yvelines en évitant toutefois le détour «touristique» par les Moutiers.

En route pas un chat mis à part deux personnes qui promènent leur chien, l’un à vélo l’autre à pied. Il fait de plus en plus chaud mais c’est encore raisonnable, il y a des champs, des meules de paille, des chevaux et des vaches enfin rien d’innovant dans cette région maintes fois parcourue.

Du côté de Clairefontaine, en pleine forêt, je m’écarte dans les fougères assez hautes qui bordent le sentier pour laisser passer toute une équipe féminine (de quel sport ?) qui court précédée d’un moniteur un peu bedonnant mais qui tient fermement le rythme.  A l’abri des arbres la chaleur reste supportable.

A Saint-Arnoult, que j’atteins vers 13h après une pause casse-croûte, je prends le temps de visiter l’église très intéressante avec notamment son plafond en forme de coque de navire renversée et une petite tourelle sur le clocher. Pour sortir de la ville je suis le marquage du GR mais il y a quelque chose qui cloche : malgré tous les méandres des ruelles la direction générale par rapport au soleil pointe obstinément vers l’est. Je sors la carte, je ne comprends pas ou je suis, ma carte est peut-être trop ancienne, je reviens sur mes pas. En route un café, je l’avais vu tout à l’heure mais je pensais pouvoir trouver plus loin une fontaine : rien. J’entre et je demande s’il serait possible de remplir ma gourde, ce qui est accepté. Dans la conversation je glisse qu’il n’y a pas beaucoup de points d’eau à Saint-Arnoult. La patronne me répond en souriant qu’il y en a une fontaine juste devant le café ! Comme quoi je suis toujours aussi attentif à ce qui m’entoure… Je repars et juste avant l’église je m’aperçois qu’il y avait en fait deux GR ! Cette fois-ci je prends le bon et je sors de la ville en direction du  soleil. Peut-être fallait-il que je me trompe car je n’ai revu ni café, ni fontaine (ce qui n’est pas forcément une preuve…).

Peu après la sortie de la ville je passe sous l’autoroute et le TGV puis je quitte le GR, qui se dirige vers Dourdan, pour emprunter un chemin forestier en direction de Sainte-Mesme. Il fait très chaud même sous les arbres.

En route je croise trois randonneuses qui déboulent d’un petit chemin. On échange un « bonjour ». L’une d’elle m’interpelle :

–         Vous faites le Chemin ?

Je me retourne, un peu surpris :

–         Le chemin, qu’est-ce que vous voulez dire ?

–         Le Chemin de Compostelle.

Je reste un peu étonné par cette question, si loin du but, si loin du Chemin.

–         Oui. Ça se voit tant que ça ?

–         Pour ceux qui l’ont déjà fait, oui.

Donc, elles l’ont déjà fait, je leur précise que moi aussi. La conversation s’est faite sans que ni les uns ni les autres ne s’arrêtent vraiment, juste un ralentissement. La routine quoi, rien de plus naturel qu’un pèlerin en route vers Saint-Jacques, en pleine forêt de Rambouillet, croise d’anciennes pèlerines alors qu’il n’a pratiquement rencontré personne de la journée.

Au niveau de Sainte-Mesme je prends la direction de Corbeuse mais bientôt je me rends compte que rien autour de moi ne correspond à la carte. J’ai dû me tromper quelque part. Je n’arrive pas à me repérer. J’allais prendre une direction au hasard en me fiant au soleil quand heureusement arrive une cavalière. Elle me regarde de haut au sens propre et au sens figuré mais me remet dans la bonne direction en m’indiquant que les bâtiments au loin sont ceux de l’abbaye de l’Ouye. Je suis vraiment très au nord de mon itinéraire. Comment ai-je fait mon compte ? Sans doute un moment de distraction en forêt. Il y avait beaucoup de croisements en fourche et à un moment j’ai dû prendre trop à gauche.

Vers 17h j’atteinds l’abbaye de l’Ouye. Même si ce détour me permet de découvrir un  site à moins de 30 km de chez moi dont j’ignorais totalement l’existence, cela fait beaucoup de temps perdu sur un trajet déjà trop long. Deuxième erreur depuis ce matin. A ce rythme je ne suis pas arrivé. En fait c’est une de mes spécialités. Je me mets à rêvasser et je continue sur ma lancée sans faire attention aux bifurcations. Comme disait ma grand-mère quand on n’a pas de tête il faut avoir des jambes !

A la sortie de la forêt, au niveau de la ferme de Villeneuve je trouve la Beauce, plate, nue, étouffante et interminable. Il reste un peu plus de 5 km à faire et je commence à être épuisé.

Le récit que vous êtes en train de lire est désormais disponible en livre vous pouvez le découvrir ICI.

A 19h j’arrive enfin chez Monsieur et Madame Chauveau à Authon-la-Plaine, complètement vanné et déshydraté : dans la soirée je boirai au moins 3 litres d’eau et je n’urinerai que le lendemain ! Je suis le seul hôte. Ils m’ont préparé une pizza achetée chez le boulanger car tous les restaurants sont fermés pour cause de mois d’août. Je suis à bout de force. Pendant le repas je tombe de sommeil. Madame Chauveau me fait gentiment la conversation mais j’ai du mal à garder les yeux ouverts et à entretenir cet échange. Leur petit-fils vient lui aussi me tenir éveiller et m’appelle spontanément « Grand-père », je dois avoir le profil.

Mais ce n’est pas le tout, dernier effort, il faut penser au lendemain. La prochaine étape pourrait être Angerville mais mon guide n’indique qu’un hôtel à plus de 65 euros. Sur un autre document transmis gracieusement par l’ACIR il y a une chambre d’hôtes à Oinville-Saint-Philipard, 12 km après Angerville mais en dehors du Chemin « officiel », ce qui ferait une étape d’une trentaine de kilomètres. C’est jouable. Je suis fatigué, c’est vrai, mais je n’ai aucune douleur. En principe demain tout devrait être opérationnel. Petit problème je n’avais pas prévu ce détour et je n’ai pas la carte appropriée. Mes hôtes sortent toutes leurs cartes de la région et après étude me font une photocopie d’une carte routière pour rejoindre Oinville depuis Angerville par des petites routes. D’ici à  Angerville j’ai ce qu’il faut. Une fois assuré mon lit de demain je pars m’écrouler dans mon lit de ce soir; avec tous ces préparatifs il est déjà 22h et il fait chaud, très chaud.

La Beauce
38 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

17 réflexions au sujet de “Auffargis à Authon-la-Plaine – Départ vers Compostelle par la voie de Tours”

  1. RE : Dormir sur le Chemin
    Bonjour Karina
    Je n’ai pas vraiment d’expérience en ce qui concerne le bivouac sur le Chemin de Compostelle. En principe il est autorisé sur les chemins de Grande Randonnée.
    Partez vous par Chartres ou par Orléans ?
    Dans tous les cas bonne chance et Buen Camino
    Pierre

    Répondre
  2. Dormir sur le chemin
    Cher Pierre, je vous félicite pour vos réalisations. Vous êtes inspirant ! Je pars du Québec le 12 juillet prochain. Je serai à Paris le 13 juillet au matin et je prévois partir de Tour St-Jacques sur le chemin de Compostelle pour 14 jours. J’ai une petite fille de 10 ans et je lui ai promis de ne pas partir plus longtemps. Je me permet quand même de vivre mon rêve tout en étant maman, car la vie c’est maintenant. Selon votre expérience, pourrais-je dormir dans ma tente sur le chemin ? Je m’en vais seule et en silence. Je veux vivre le chemin minimalement au niveau matériel mais très GRAND au niveau de l’intérieur ! Je vous remercie à l’avance pour votre temps de réponse. Au revoir ! Karina

    Répondre
  3. Voie de Tours
    Bonjour Pierre,

    Grand merci pour votre réponse, mon périple commence à voir le jour, j’attends le guide Lepère pour compléter mes notes prises de votre expérience.

    Par contre vous faites de grandes étapes, moi qui en faisais de plus courtes sur le chemin du Puy et le Francés, je suppose que je pourrai adapter les étapes !

    Je me réjouis tellement de repartir bientôt.

    Bonnes salutations.
    Edith

    Répondre
  4. RE : Voie de Tours
    Bonjour Édith,
    La voie de Tours se développe en particulier grace à l’association Tranquilles (http://www.tranquilles.fr/).
    Si le départ de Paris reste très fort au niveau symbole, rien ne vous empêche de partir de Notre Dame puis de prendre le train pour sortir de la ville et atteindre un peu de verdure, comme l’avait fait mon ami Christian le Québecois.
    Ce n’est qu’à partir de Poitiers que les hébergements abordables réservés aux pèlerins se font plus fréquents.
    Mais il y a d’autre aspects à prendre en compte. Il est bien agréable de suivre la Loire d’Orléans à Tours. C’est sans doute entre Tours et Poitiers que j’ai eu les plus beaux accueils.
    Orléans, Tours, Poitiers, de bien belles cathédrales aussi.
    A vous de choisir selon vos critères et vos aspirations !
    Buen Camino Edith.
    Racontez nous à l’occasion.
    Pierre

    Répondre
  5. Voie de Tours
    Bonsoir Pierre,

    Je pars fin mai pour cheminer sur la voie de Tours jusqu’à Muxia, je n’ai pas envie de partir depuis Paris j’ai besoin d’un conseil pour l’endroit de mon départ.
    Félicitations pour vos récits! je prends des notes…
    Cordialement
    Edith

    Répondre
  6. 1ère étape
    super ! je suis ravie de te suivre cette année encore, merci merci de cette découverte, tu es tjs aussi agréable à lire, avec ton petit côté marrant mais pas trop. Et il y a encore plus de photos que l’an dernier..
    Je retiens moi aussi l’abbaye pour une prochaine sortie, mais à bicyclette s’il y a suffisamment de petites routes.

    Je t’embrasse, et bien sûr aussi mon Hélène
    susie

    Répondre
  7. Pour le moursien ?
    Il y a un Mours dans l’Oise, un autre dans la Drôme qui se nomme en fait Mours-Saint-Eusèbe. Donc le doute est permis, mais dans tous les cas être lu par un moursien c’est quand même quelques chose. Il faut que je me remette à la tâche … Peut-être qu’un jour ce sera par un marsien !

    Répondre
  8. salut pierre
    c’est toujours un plaisir de te lire.Ta fassons de raconter me plaît beaucoup.On sent en toi beaucoup d’humilité et de gentillesse.
    tu es un sacré type

    Répondre
  9. Re : Ouye
    Peut le premier pèlerin qui se rend à Compostelle en passant par ici depuis le Moyen-Age. Du jamais vu de mémoire de cheval qui plus est gris (on sait ce que veut dire être gris !).

    Répondre
  10. çà commence bien
    Pierre

    J’étais pressé de lire ce premier récit d’un premier jour d’une nouvelle aventure. Toujours aussi agréable de te lire.
    Amitiés
    Franck

    Répondre

Laisser un commentaire