De Argagnon à Lichos – Chemin de Compostelle

Dimanche 21 septembre,
27e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 894 kilomètres

Lichos
De Argagnon à Lichos
Le chemin dans la brume

7h25, je quitte le gîte du Cambarrat à Argagnon, destination Lichos à 39km, 5 km avant Aroue via Navarrenx.

Il fait encore un peu sombre mais la frontale n’est pas nécessaire. Il fait frais avec un peu de brume et on voit à peine le Gave de Pau. L’air est chargé d’humidité. Je traverse Maslacq sous une petite bruine.

Le Gave de Pau à Argagnon

Le profil du chemin est très vallonné, très varié malgré la persistance obsédante des maïs ; les petites montées succèdent aux petites descentes. Ce n’est pas de tout repos.

9h45 Sauvelade, il y a une abbaye mais elle est fermée à la visite. La brume a pratiquement disparu sauf au fond des vallons. Le ciel est limpide : ça va chauffer.

Maslacq

Depuis Arzacq-Arraziguet, peut-être avant mais je ne l’avais pas constaté, les chemins ou les routes empruntés  s’appellent souvent « Chemin de Compostelle » ou ici, « Camin de Compostella ». Pas besoin de chercher la bonne direction.

11h, j’en ai discuté avec mon corps dont je suis désormais les conseils avisés et nous avons fait une pause d’environ un quart d’heure en dégustant des pruneaux d’Agen, des petites pochettes échantillon distribuées gracieusement à Moissac : toujours ça de moins à porter.

11h30, Bugnein. On s’approche des Pyrénées car les côtes sont beaucoup plus fréquentes que les descentes et surtout elles sont beaucoup plus longues. J’avoue que mon enthousiasme du départ s’effrite un peu et je mesure mes pas.

Sauvelade

12h30, petit problème : je sens dans ma jambe droite les mêmes symptômes que ceux  ressentis il y a quelques jours dans ma jambe gauche. Cette fois-ci je comprends bien le message, j’écoute mon corps. Je passe l’attelle de la jambe gauche à la jambe droite. J’espère que la gauche est suffisamment rétablie, mais je n’ai pas le choix, si je n’aide pas la droite je vais à coup sûr me retrouver à nouveau immobilisé. Heureusement il me reste des anti-inflammatoires. Aujourd’hui je vais au moins essayer d’aller jusqu’à Navarrenx à environ 4km.

13h30 je suis à Navarrenx, ça fonctionne à peu près bien. En tout cas la jambe gauche est impeccable. Je vais continuer comme prévu jusqu’à Lichos.

Toilette, Navarrenx

14h30 je sors de Navarrenx où je me suis payé un faux filet, c’est bon pour le moral qui, je l’avoue, est un peu limite : l’approche des grands cols dans cet état n’est pas faite pour me rassurer. Dans ces cas là  il est toujours agréable de se faire un peu chouchouter : le service était très attentif et prévenant comme s’ils sentaient qu’il y avait un besoin. Dans les toilettes du restaurant une borne était cependant là pour me ramener à la réalité : je n’ai même pas fait la moitié du Chemin !

En traversant Navarrenx j’ai vu les fortifications, l’église mais je n’ai pas trop fait de tourisme : je garde mes jambes pour la bonne cause. Si je ne force pas sur le rythme ça devrait être bon.

Navarrenx

Bientôt 15h, je traverse Castelnau-Camblong, il n’y a pas un chat. Je suis juste devant l’église, au centre du bourg : silence absolu.

Fin momentanée du goudron : depuis les bords du Gave ce matin jusqu’à maintenant tout était sur route. Si les chemins sollicitent un peu plus les chevilles c’est quand même beaucoup plus agréable et il y a un peu d’ombre : j’ai bu au minimum 2 litres d’eau depuis ce matin !

J’ai retrouvé le « traceur » au restaurant où il déjeunait avec des compatriotes, là il est 100 à 200 m devant moi et ça l’intrigue. Hier je le laissais quasiment sur place, aujourd’hui je traîne derrière. De temps en temps il se retourne pour voir si je suis toujours derrière, peut être pour savoir s’il ne s’est pas trompé car apparemment il n’a pas de carte. Une chose est sûre, c’est lui qui a raison, adopter un petit rythme permanent, sans excès, et tracer sa route.

Navarrenx

J’ai encore bien des progrès à faire sur le chemin de l’humilité. Il faudrait que j’arrive à voir avec bienveillance ceux qui sont devant moi sans me sentir obligé de les rattraper et, chose encore plus difficile, à regarder avec amitié ceux qui me doublent. Pour le moment il n’y en a pas eu mais il faudrait peut-être qu’il y en ait.

Dans les forêts on voit souvent des palombières avec à proximité des panneaux « Silence palombières » que l’on n’a pas trop envie de respecter mais je n’ai pas le goût de chanter à tue-tête.

16h30 sur un point haut, bien dégagé, on aperçoit les Pyrénées. C’est assez estompé, en plus c’est plein sud et la lumière est très diffuse, mais c’est sûr, ce sont Elles : des  petites lignes qui se succèdent avec des gris dégradés, bien plus hautes que là où je suis actuellement.

Navarrenx

Un peu avant 18h, le temps est radieux,  arrivée au gîte musical Lou Brousta à Lichos. Il y a plein d’instruments de musique. Ce sont tous des jeunes, très sympathiques. Ils sont en train de préparer la cuisine.

Première urgence, trouver des glaçons pour refroidir ma cheville droite. Ils m’apportent une énorme poche glacée qu’ils ont extraite du congélateur. La cheville gauche est parfaite, reste à soigner la droite. Il serait grand temps d’arrêter les conneries.

J’ai une immense chambre avec deux fenêtres, un grand lit avec des draps pour moi tout seul, le luxe !

Palombière

Le gîte est le siège d’une association musicale fondée par des jeunes un peu baba cool. Si j’ai bien compris on est dans l’ancienne maison de la grand-mère de l’un d’entre eux. Il y a encore beaucoup à faire pour l’aménager mais c’est très sympathique, je me sens en vacances comme quand j’étais gamin. Pour moudre le café ils se servent d’un moulin comme celui que je devais tourner en le serrant entre mes jambes quand j’étais enfant et dont le tiroir me pinçait régulièrement les cuisses (à cet époque les garçons étaient en culotte courte, on ne disait pas encore short, au moins jusqu’en CM2). L’association a pour but d’aider des jeunes à s’insérer par la musique, par le sport et par l’accueil.

Au repas, cuisine très élaborée, genre cuisine nouvelle, très bonne mais peut-être pas assez copieuse. Il semble qu’ils s’amusent à faire des plats un peu compliqués, à la limite de l’expérimental. C’est réussi.

Le chemin

Nous ne sommes que trois pèlerins. Je retrouve Martin et Sarah,  père et fille, deux Canadiens français de l’Alberta que j’avais rencontrés pour la première fois à Montcuq. Il n’y a pas que les Québécois ! Ils avancent à petits pas si j’ose dire avec des étapes de 13 à 15 km. Ils comptent quand même être à Saint-Jacques avant le 2 novembre, date à la quelle ils ont réservé leur retour. A ce rythme ça ne va pas être facile. Sarah a remarqué les palombières et elle a escaladé une échelle pour aller voir,  elle croyait naïvement que c’étaient des jeux pour les enfants : nous sommes un peuple barbare !

J’avais espéré une démonstration musicale de la part de nos hôtes (on s’habitue vite aux attractions de fin de repas) mais non : en fait les instruments sont mis à notre disposition. Arrivée très tôt dans l’après midi, Sarah en a profité en jouant une heure de piano pour le plus grand ravissement de son père qui évoquait ce moment avec fierté. Par contre nous avons encore droit à un tampon dessiné à la main sur notre crédentiale. Cette région regorge d’artistes !

Demain Ostabat, à moins de 30 km, au gîte d’étape Izarrak. J’espère que la nuit va porter conseil à ma cheville droite et qu’elle va cesser de faire sa capricieuse.

Le récit que vous êtes en train de lire est désormais disponible en livre papier ou numérique, vous pouvez le découvrir ICI.

Navarrenx
697 kilomètres parcourus depuis le Puy-en-Velay

 

7 réflexions au sujet de “De Argagnon à Lichos – Chemin de Compostelle”

  1. RE : MOULIN A CAFE
    Bonjour Gérard,
    Oui, sans cette distance est-elle la plus « raisonnable », mais il arrive que l’on soit comme « aspiré » par le but à atteindre, et ma foi ce n’est pas forcément non plus désagréable.
    Cordialement

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  2. MOULIN À CAFE
    J ai le même souvenir de pincement sur les cuisses.
    De mon point de vue les étapes de 28 30 km sont les mieux adaptés au chemin pour un bon marcheur,le repos de l’après midi est important et souvent source de belles rencontes

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