Vers Ribadeo sur le Camino del Norte – Mes Chemins de Compostelle

Vendredi 9 octobre,
51e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 217 kilomètres

Ribadeo
De La Caridad à Ribadeo

8h30, j’ai quitté l’auberge de La Caridad à 8h. En ce moment le jour se lève vers 8h20 et sauf en zone urbaine rien ne sert de démarrer plus tôt d’autant plus que Ribadeo, l’étape d’aujourd’hui, n’est qu’à une vingtaine de kilomètres.

Ce matin Kristine avait l’air comme souvent de s’être levée du mauvais pied et nous a à peine salués. Du coup Antoine a maugréé quelque chose du genre « … la gente féminine … ». J’ai essayé de lui glisser discrètement qu’elle comprenait le français mais cela ne l’a pas freiné, il a continué sur le même registre et ne lui a pas proposé d’eau chaude comme il venait de le faire pour moi. Est-ce pour cela ou juste son besoin irrépressible d’indépendance, mais elle est partie sans déjeuner. Quand on se retrouve le soir elle ne m’évite pas, a l’air de me revoir avec plaisir, me raconte sa journée puis rapidement se replie dans son monde. Son mode alimentaire est sûrement un frein à la convivialité mais d’autres adeptes aplanissent cet obstacle alors qu’elle s’en sert comme d’un rempart. Elle est souvent sur la défensive et si on ne la connaît que sous cette facette elle est franchement réfrigérante.

Depuis de nombreux jours le Chemin s’évertue à slalomer entre la nationale, l’autoroute et la voie ferrée. Il emprunte souvent des sentiers ou des petites routes peu fréquentées, parfois perdues dans la campagne parfois parallèles de quelques mètres à la grand-route qu’il est quand même obligé de suivre de temps en temps. A Porcia il y a la possibilité d’échapper à ce scénario par une variante qui longe la mer. J’y renonce. C’est le paradoxe, je n’ai pas un moral d’acier et côtoyer de beaux paysages pourrait l’améliorer mais, sans doute pour m’enfoncer un peu plus dans le blues, peut-être même pour le cultiver, j’opte pour un chemin terne et sur goudron certes légèrement plus court mais rien ne me presse. Serais-je maso ?

Peu après Toll je m’arrête appuyé contre une meule de foin enrubannée dans son plastique. Sous l’influence de Norbert et de Kristine je me suis converti au poivron rouge. Une fois épépiné il est plat, ne prend pas de place, peut être comprimé sans dommage et peut s’insérer facilement dans un sandwich : une trouvaille ! La région est très agricole et autour de moi, partout, ça bourdonne, avec eux je me dépêche avant l’orage qui menace.

13h30 je suis dans l’auberge de Ribadeo qui donne sur la Ria du même nom où autrefois de nombreux pèlerins auraient perdu la vie en tentant sa traversée. Heureusement pour moi ce fut beaucoup moins périlleux mais cela reste impressionnant : suspendu dans le vide au dessus de l’eau bouillonnante que l’on aperçoit à travers la rambarde de la passerelle accrochée à l’autoroute qui enjambe la baie on avance au son du vent qui joue les sirènes et nous invite à plonger. Le refuge est juste à la sortie du pont, un peu isolé du centre ville mais bénéficie d’une vue splendide sur la baie. Je suis en Galice.

Une heure après arrive Kristine qui elle n’a pas hésité à prendre la variante côtière. Elle a eu d’autant plus raison que désormais le Chemin va plonger vers Santiago et qu’on ne reverra plus la mer. Elle sera suivie par Bastien, un Allemand que je ne connaissais pas encore, puis, longtemps après, par François et Antoine. Enfin à 20h30 deux jeunes femmes Espagnoles également inconnues se présenteront. Ce sera tout.

L’auberge est typique de celles de la Xunta de Galicia, très moderne, avec sanitaires spacieux, salle à manger, grande cuisine équipée de plaques vitrocéramiques et qui plus est au tarif imbattable de 3 euros. Celle-ci n’est pas très grande avec sa douzaine de places et a l’air mal entretenue : carreaux cassés, lampes hors service, poignées de porte arrachées… mais il est vrai que nous sommes en fin de saison et que les « pèlerins » ne sont pas tous des modèles de civilité. Kristine s’est installée à l’autre bout du dortoir, rejointe bientôt par Bastien alors qu’Antoine et François se regrouperont avec moi laissant le centre aux Espagnoles arrivées en dernier. Ce n’est pas à proprement parler un brassage de population ! C’est la contrepartie d’une faible fréquentation : la surpopulation contraint à l’effort de sociabilité.

La ville est agréable, elle m’a parue un peu décatie elle aussi, mais peut-être est-ce le temps maussade et la multiplication cette fois encore de travaux en tout genre. Le restaurant le plus proche de l’auberge ne sert qu’à 21h, donc ce soir ce sera encore sandwich. J’aurais sans doute pu faire un effort et profiter de cette superbe cuisine mais dans la droite ligne de cette journée «positive» j’ai la flemme. Je ne dois pas être le seul dans cet état d’esprit : chacun mange dans son coin. Ça ne communique pas du tout.

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A 21h une femme et deux hommes très costauds, genre videurs, débarquent. La dame encaisse les 3 euros et tamponne les crédentiales pendant que l’équipe de choc fait le tour du dortoir pour s’assurer de l’absence de fraudeur. Impressionnant. Une opération commando d’à peine 10 minutes. Exactement le chaleureux message de bienvenue que nous attendions tous ce soir. Le terme « hospitalier » est-il bien approprié ? C’est aussi cela la Galice, les auberges gouvernementales sont remarquables mais tenues par des fonctionnaires qui dans la majorité des cas n’ont qu’une hâte, se débarrasser de la corvée.

Demain ce sera probablement Mondoñedo à 37 km, une ville qui semble très intéressante. Il y a une étape possible à Lourenzà, à une trentaine de kilomètres, mais je suis désormais à moins de 200 km du but et il me tarde d’y être.

En chemin
1602 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

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