De Conques à Montredon – Chemin de Compostelle

Mardi 2 septembre.
8e jour : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 1345 kilomètres

Montredon
De Conques à Montredon
Pâturages
Conques

Il est 8 h je quitte Conques.

Hier soir après le concert d’orgues les derniers se sont couchés vers 23 h. Ce matin, les premiers, peut-être pour assister à une messe, se sont agités vers 6 h. Certains (sans doute pour ne pas déranger !) s’habillent, roulent leur sac de couchage, préparent leur sac sans descendre de leur lit superposé. Ainsi, grâce à de mélodieux grincements chacun peut suivre l’évolution interminable de leurs préparatifs. L’heureux dormeur de l’étage inférieur bénéficie en prime d’un doux chaloupement. Bref, réveil matinal obligatoire. J’avoue que j’étais de mauvaise humeur et que je l’ai fait savoir. Il faut croire que je ne suis pas encore parvenu à l’état zen du vrai pèlerin. Mais enfin ça y est, c’est fini, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Il fait beau mais dans le creux de la vallée il y a de la brume. Sur le versant opposé on entrevoit la chapelle Sainte-Foy qui fait face à sa grande sœur l’abbatiale.

La descente depuis le centre du village est assez raide pour aboutir au pont « romain ». La remontée sur le versant opposé l’est également. La courte étape de la veille, plus une bonne nuit, même écourtée, m’ont permis de récupérer. Je monte la côte sans effort et j’avoue que j’éprouve une satisfaction triviale à me sentir en forme et à doubler de nombreux marcheurs.

Conques, le pont romain

Arrivé sur le plateau j’entends derrière moi un pas qui me suit. En voilà un que je n’ai pas réussi à semer ! Je décide de l’attendre et de faire connaissance. C’est Henri. Il est aussi à la retraite, il est bordelais, il va jusqu’à Cahors. Il a remarqué mon allure et aimerait faire un bout de route avec moi. A ma grande surprise cette idée me plaît, à moi, le supposé grand solitaire. Je suis comme un gosse qui vient de se faire un copain.

Nous avons deux approches différentes de la marche. Il est né dans les Alpes et a l’habitude de la montagne et ça se voit. De plus il a un passé sportif impressionnant. Ce qui le motive lui, s’est d’aller vite (je m’aperçois rapidement qu’il marche plus vite que moi) mais jusqu’à présent il faisait des étapes courtes. A l’opposé mon atout c’est l’endurance, je compense mon manque de puissance et un rythme plus lent par des étapes plus longues et un minimum d’arrêts. Il a envie d’essayer de marcher à mon rythme et décide de faire cette étape de 29 km avec moi jusqu’à Montredon. On téléphone, ça colle : il reste une place. Nous voilà partis. Il fait très beau, il va probablement faire très chaud.

Decazeville

Voyager à plusieurs, et c’est peut-être encore plus marquant à deux, implique un changement de certaines habitudes.
Il y a les petites contraintes : on hésite à s’arrêter pour resserrer sa chaussure, il faut annoncer les pauses techniques,… Depuis plusieurs jours je n’écris plus mon carnet de route, j’ai en permanence mon dictaphone auquel je confie mes impressions au fur et à mesure que je les ressens. J’y ajoute quelques sons qui accompagnent ma marche : meuglements, sifflements d’oiseaux, cloches, … En fait il m’a fallu un petit apprentissage pour maîtriser l’engin acquis pour cette occasion et les résultats ne sont pas encore à la hauteur de mes espérances. Avec Henri cela devient plus compliqué : d’une part on parle beaucoup et je suis donc moins attentif à l’environnement, d’autre part il a fallu que je le prévienne que de temps en temps j’allais m’écarter pour faire mon « rapport » ; dans ces moments  je suis désormais obligé de faire une synthèse de mes impressions, ce n’est plus du «direct», j’y perds une partie de ma spontanéité, de plus je me surprend à parler à voix basse ce qui rendra les enregistrements à peine audibles. Pour les photos aussi c’est plus compliqué d’autant plus qu’il n’a pas d’appareil : il doit m’attendre quand je prends une photo, donc moins de photos et des photos prises plus hâtivement. Tous ces petits frottements vont évidemment s’estomper au fur et à mesure que nous faisons connaissance. Mais il restera toujours une différence : plaisir du partage dans un voyage « accompagné », plus grande liberté dans un voyage en « solitaire ». Au gré des étapes et des rencontres je pourrai apprécier ces deux contextes.

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Chapelle Saint Roch

En route nous choisissons de prendre la variante par Noailhac où le guide annonce une possibilité de ravitaillement. En fait c’est le bar qui fait office d’épicerie. La patronne nous présente une feuille avec la liste des produits disponibles. Le choix est très restreint. Je me décide pour 20 cm de saucisse sèche (je vais devenir accro si ça continue), 125g de gros pain et une tomate pour un total de 3,04 euros (pas d’arrondi !), ce sera mon repas de midi. Mon collègue opte pour le même menu complété par une petite barre chocolatée. La tenancière nous explique que ce commerce ne marche pas très bien malgré le passage des pèlerins. Heureusement qu’elle était là sinon la pause casse-croûte aurait été un peu trop ascétique !

Le Chemin fait un détour bien inutile par Decazeville puis remonte vers une nouvelle chapelle Saint Roch. Pendant la montée Henri s’envole, je le suis un moment mais je sens vite que ce ne serait pas raisonnable : à chacun son rythme, je le laisse prendre de l’avance. Devant la chapelle un vieux curé à la retraite est visiblement content de partager ses souvenirs. Il est encore tout ému à l’évocation de deux groupes allemands avec leur pasteur qui se sont rencontrés là et qui se sont mis à chanter. Il nous parle également des moyens utilisés par ceux qui se font transporter leurs bagages, il a même vu un chameau et un lama. Ce soir nos compagnons nous raconteront qu’ils ont vu à Decazeville un pèlerin courir au milieu des voitures après son âne qui traînait son chargement débâté. Il se passe quand même des choses étranges sur ce Chemin.

 
Pèlerins allemands
Des animaux sur le chemin
Livinhac le Haut

A Livinhac-le-Haut, grand désert : tout est fermé, même les cafés. Faute de mieux on repart après avoir fait le plein d’eau.

A 19 h arrivée à la chambre d’hôtes, la Mariotte, à Montredon. Ce soir je vais dormir dans de vrais draps ! Il fait très couvert, je dirais même menaçant, mais notre hôte nous affirme que ce n’est qu’un passage de nuages.

Accueil très chaleureux de nos hôtes. Repas communautaire autour d’une grande table. Nos hôtes n’y participent pas, madame est  en cuisine et monsieur fait le service et nous raconte plein de petites anecdotes sur la région. Tous les plats sont faits maison. J’apprécie tout particulièrement le « stockfish » une sorte de brandade de morue locale qui tire son origine du trafic fluvial sur le Lot : les mariniers descendaient, entre autre, à Bordeaux,  le charbon de Decazeville et au retour remontaient des tonneaux de morues.

Montredon

Nous partageons le repas et les chambres  avec un groupe de parisiens. L’un des leurs les accompagne en voiture et transporte les bagages. Ils sont super équipés, ils ont même un ordinateur portable avec lequel ils se connectent à Internet. La conversation est très agréable et très intéressante même si le ton est un peu bon chic bon genre. Demain matin au moment du départ nous remercierons tous nos hôtes pour la qualité de leur accueil. Un des parisiens fera cependant remarquer qu’il avait réservé de longue date une chambre pour deux, pour lui et sa femme, et qu’en fait ils se sont retrouvés à quatre dans une chambre (Henri et moi lui avons sans doute soufflé la place !). Notre hôtesse explosera, en lui rétorquant que le gîte est réservé uniquement aux pèlerins (ce qu’indique le guide) ce qui est loin d’être leur cas au vu de leur équipement et qu’ils n’ont pas à se plaindre car si elle avait su elle ne les aurait pas acceptés (la voiture et, encore plus, l’ordinateur portable ne passent vraiment pas !). Pour bien marquer la différence elle m’offrira quelques parts supplémentaires de gâteau à mettre dans mon sac : elle devait me considérer comme le seul vrai pèlerin du lot. J’en rougis encore de confusion … mais j’ai accepté le cadeau.

Henri décide de continuer l’expérience et de m’accompagner jusqu’à Béduer, à 34 km, où nous réservons des places au camping  Pech Ibert. Demain nous dormirons sous tente.

235 kilomètres parcourus depuis le Puy-en-Velay

 

 

4 réflexions au sujet de “De Conques à Montredon – Chemin de Compostelle”

  1. chapeau
    je n’en est pas ; mai je te tire mon chapeau je ne suis pas capable de faire tant de kilomètres tout les jours.
    ma femme ne me laisse pas partir 2 mois pour faire le chemin; alors chaque années je pars 8 9 jours
    si tout va bien j’arrive en espagne cet année
    merci pour ton témoigage.
    la je te lis a l’étape conques -béduer
    amicalement

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